Diana, je me permets de reprendre votre texte sur Langres:
LE MARÉCHAL MORTIER AU MAJOR GÉNÉRAL
Langres, le 14 janvier 1814.
Monseigneur,
Des paysans sont venus en toute hâte me prévenir que l’ennemi débouchait par la chaussée des Romains sur CHALINDREY : J’ai d’abord présumé que c’était une reconnaissance ; bientôt après, j’acquis la certitude que 2.000 hommes d’infanterie, 12 escadrons et 4 pièces d’artillerie s’étaient formés sur le plateau en avant de CHALINDREY, entre CULMONT et la chaussée romaine. Dès lors je présumai que son intention était d’attaquer les cantonnements des chasseurs à cheval de la garde établis à SAINT-MAURICE, SAINT-VALLIER et CORLÉE, car après mon attaque d’hier matin sur CHÂTENEY-VAUDIN, l’ennemi avait évacué ce village ainsi que LECEY. J’avais placé 200 hommes d’infanterie avec les chasseurs de la garde, ils conservèrent leur position. Nous avons perdu quelques hommes, l’état ne m’en est point encore parvenu. Dans ce moment, une grande ligne de feu se fait apercevoir à la ferme de BREUIL, entre CULMONT et SAINT-VALLIER.
L’ennemi ne nous a montré dans la journée qu’environ 2.000 hommes d’infanterie, 12escadrons et 4 pièces ; j’ignore ce qui se trouve en arrière du bois de VIOLLOT.
L’ennemi paraît mettre une grande importance à LANGRES ; je crois qu’avec des munitions et des vivres, on peut hardiment répondre de cette place. L’empereur peut la considérer comme un point extrêmement important. Demain dans la journée, je saurai à quoi m’en tenir sur ce nouveau mouvement de l’ennemi ; s’il tente une attaque sérieuse, nous lui répondrons. Je désirerais toutefois avoir des troupes pour mettre en première ligne. Depuis 48 heures que nous sommes ici, nous n’avons cessé d’avoir des escarmouches plus ou moins sérieuses : il en est naturellement résulté la perte de plusieurs braves gens, et la vieille garde, infanterie et cavalerie, dont je ne puis assez me louer, forme une réserve si précieuse !
L’ennemi, comme j’ai eu l’honneur d’en rendre compte à sa Majesté, dans mon rapport d’hier, a tenté inutilement de nous débusquer du poste de LONGEAU. J’en avais surtout apprécié l’importance, en apprenant qu’un convoi d’artillerie et de poudre devait arriver ici d’AUXONNE. J’ai la satisfaction d’annoncer à votre Altesse que ce convoi vient d’arriver heureusement ; il est composé de 12 pièces de 4, de 8 à 9 milles livres de poudre en barils, mais malheureusement il n’y a point de boulets.
Avec le plomb et la poudre que j’ai fait acheter hier, j’espère pouvoir faire confectionner 60.000 cartouches ; c’est au-delà de ce que j’espérais. Toute cette nuit sera employée à couler des balles et à faire des mandrins.
Nous commençons à manquer de fourrage. Jusqu’à présent nous avons eu du pain et de la viande, on me fait espérer que ce service sera continué. L’esprit des habitants est généralement bon.
Si l’ennemi s’emparait de BOURBONNE-les-BAINS où déjà plusieurs de ses patrouilles ont paru, il pénétrerait facilement sur CHAUMONT et dans le BASSIGNY. Dès hier matin j’ai détaché 27 chevaux du 3e régiment de chasseurs que j’ai trouvé ici, et 68 douaniers armés à BOURBONNE-les-BAINS ; cette nuit, je ferai partir pour la même destination 100 hommes d’infanterie et 50 chevaux de la garde ; ils ont des instructions pour se retirer sur LANGRES et sur CHAUMONT, dans le cas où ils s’y trouveraient forcés.
J’ai l’honneur….
(archives de Langres Nº CVIII)
"n° CIX
Le maréchal Mortier au Major Général
Langres, le 16 janvier 1814
Monseigneur,
Langres est à l’abri de la cavalerie ennemie, mais cette place n’est nullement en état de défense contre un corps d’armée comme celui qui est devant moi.
On y a envoyé d’Auxonne, ainsi que j’ai eu l’honneur de vous le marquer, 12 pièces de 4 et 8 à 9 milliers de poudre, mais point de boulets, ni d’artillerie. Je n’ai pu réunir jusqu’à présent qu’une quarantaine d’anciens militaires et 3 forestiers : cette garnison est bien insuffisante, et le départ de la garde impériale va jeter tous les habitants dans la plus grande consternation : notre arrivée avait relevé leur courage ; une fois partis, la crainte de l’ennemi les paralysera.
Les travaux de la place commencés depuis très peu de jours sont peu avancés en raison du manque d’ouvriers et de l’excessive dureté de la terre qui est gelée à une assez grande profondeur ; à moins de mettre à Langres une garnison de la garde impériale qui serait fortement compromise, l’adjudant commandant Simon, qui est arrivé pour commander cette place d’après l’ordre du ministre, y resterait seul.
M. le général Drouot m’annonce que la 2e division vieille garde était le 14 à Toul, se dirigeant sur Langres ; elle aura sans doute rétrogradé, puisque le 15, le maréchal Ney a dû coucher à Void. Quoi qu’il en soit, j’envoie un officier pour prévenir cette division que je me retire sur Chaumont et Troyes.
L’ennemi est toujours devant moi dans la même position ; tous les rapports qui me parviennent disent qu’il se renforce. Dans ce moment on m’annonce que le poste de Longeau est attaqué ; l’officier qui le commande a l’ordre de ne pas se compromettre.
J’ai l’honneur, etc.
cet extrait est tiré du livre :
Histoire Militaire du Pays de Landres et du Bassigny
écrit par Léonce de Piépape"
Dernière édition par Bruno Roy-Henry le 10 Mai 2006 12:21, édité 1 fois.
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