Le dimanche 11 juillet 1830 , le Roi , qui séjournait cet été-là à Saint-Cloud , revint spécialement à Paris pour y assister au Te Deum d'actions de grâces célébré à Notre-Dame en l'honneur de la prise d'Alger. Ce fut la dernière journée d'un souverain légitime au château des Tuileries et , véritablement , la dernière manifestation à Paris de l'Ancienne France dans l'esprit des fils de Saint-Louis . C'est pourquoi , je crois devoir la détailler . Quinze jours plus tard , la Révolution sera définitivement victorieuse en France . Cette journée est donc à la fois un moment de gloire qui salue la dernière conquête capétienne qui complète le terriroire national , en même temps qu'un émouvant chant du cygne. Grandeur et fin d'une époque tout à la fois .
Le Roi est arrivé le matin à 11 heures aux Tuileries . A midi , il a entendu la messe à la chapelle . Ensuite , l'ambassadeur d'Angleterre est venu lui faire part officiellement du décès du roi George IV . Puis, le Roi a reçu le graveur Gayrard pour lui commander une médaille commémorant la prise d'Alger , et le peintre Gérard pour un tableau sur le même sujet. L'Académie française est ensuite venue présenter deux nouveaux membres au Roi : Ségur et Pongerville. Enfin , le Roi a reçu la municipalité de Paris puis présidé un conseil des ministres en compagnie du Dauphin.
A 15heures 30 , une salve d'artillerie a annoncé le départ du Roi du château pour Notre-Dame. Le cortège se composait de 12 carrosses tirés par 8 chevaux où avaient pris place des pairs , des maréchaux et des dignitaires des Ordres de Saint-Louis et de la Légion d'Honneur . La garde royale et les régiments de ligne de Paris formaient la haie . Au grand portail de la cathédrale , la famille d'Orléans au grand complet est venue au-devant du Roi ... qui a été accueilli par l'archevêque de Paris , Mgr de Quélen , lequel s'est exprimé en ces termes :
" Sire ,
Que de grâces en une seule ! Quel sujet plus digne de notre reconnaissance , aussi bien que de notre admiration , que celui qui amène aujourd'hui Votre Majesté dans le temple de Dieu et au pieds des autels de Marie ! La France vengée apprenant encore une fois qu'elle peut se reposer sur vous du soin de sa gloire comme de son bonheur ; l'Europe affranchie d'un odieux tribut bénissant votre sagesse et votre puissance ; la mer , purgée de pirates , abaissant sous vos voiles ses flots paisibles ; le commerce , tranquille , saluant avec amour votre pavillon partout respecté ; l'humanité triomphant de la barbarie ; la Croix victorieuse du Croissant , les déserts de l'Afrique retentissant des hymnes de la foi , la religion longtemps captive sur une terre désolée , vous proclamant son libérateur !!! Fils de Saint-Louis , quel motif plus légitime de consolation et de joie pour votre coeur noble et généreux ; et pour nous , vos sujets fidèles , quelle juste cause d'allégresse et de transports ! Ainsi le Tout-Puissant aide au Roi Très-Chrétien , qui réclame son assistance . Sa main est avec vous , Sire ; que votre grande âme s'affermisse de plus en plus ; votre confiance dans le divin secours et dans la protection de Marie , mère de Dieu , ne sera pas vaine . Puisse Votre Majesté en recevoir bientôt encore une nouvelle récomprense ! ( Mon Dieu...) Puisse-t-elle bientôt venir encore remercier le Seigneur d'autres merveilles non moins douces et non moins éclatantes ! "( Mon Dieu...)
Le Roi a répondu:
" Monsieur l'archevêque ,
Nous avons réclamé le secoure du Tout-Puissant pour le succès d'une expédition qui devait être à la fois si glorieuse et si utile à la France et à l'humanité ; le Seigneur a béni nos armes , c'était un devoir pour moi et pour chacun de mes sujets de lui en rendre aussitôt de solennelles actions de grâces . Ce bienfait signalé m'a fait éprouver un bonheur que je n'avais pas ressenti depuis bien des années . Je viens me prosterner aux pieds du Très-Haut , lui offrir l'hommage de ma vive et profonde reconnaissance : je sollicite de lui la grâce de consacrer le reste de mes forces à rendre mes peuples heureux , et je désire avec ardeur que les Français se persuadent et sentent de toute leur âme que je ne respire que pour affermir et consolider leur bonheur. "( Mon Dieu...)
Pour la dernière fois , un Roi de France et de Navarre fut ensuite conduit processionnellement sous le dais jusqu'au choeur de la cathédrale de Paris . L'archevêque a alors entonné le Te Deum accompagné par la musique de la chapelle du Roi. Le Roi a ensuite regagné les Tuileries au bruit des salves d'artillerie . Le Moniteur témoigne : " Une foule immense s'était portée sur tous les points où devait passer le cortège du Roi , et a accueilli Sa Majesté avec les plus vives acclamations . Ce soir , les édifices publics et les maisons particulières ont été illuminées."
Et le Roi quitta Paris...
175 ans après , la République a jeté l'Algérie par-dessus bord et elle tremble devant le Croissant...
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