L'Énigme des Invalides

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Message Publié : 22 Août 2008 9:40 
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Bonjour à tous,

A propos de cette grande et courageuse bataille, tout semble avoir été dit ...

Tout, ou presque tout, oserais-je dire.

En effet, si l'issue a été maintes fois relatée à la lueur d'une multitude de facteurs, défavorables à l'Empereur et à son Armée, il en est un qui reste quelque peu dans l'ombre, bien que n'étant pas dénué d'intérêt ...

Ce facteur, je l'exprimerai en quelques mots :

... Et si Grouchy avait trahi ?

Nota: « Bon nombre de Généraux, écrit VAULABELLE, attribuaient à la trahison l'immobilité du Comte de GROUCHY dans la journée du 18 juin » et NAPOLEON lui-même, à SAINTE-HELENE, déclarait à propos de WATERLOO : « Journées incompréhensibles ! Concours de fatalités inouïes... Ney, d'ERLON, GROUCHY !... Y a-t-il eu trahison ? N'y a-t-il eu que malheur ? »






:salut:


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Message Publié : 22 Août 2008 10:48 
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Certes, la question mérite d'être posée et elle l'a été, tout au moins comme hypothèse de travail... Mais, le dossier semble vide.

Lenteurs de Grouchy, incompréhension des ordres, manque d'autorité sur ses subordonnés, tout ceci a été relevé à juste titre, mais rien qui puisse faire penser formellement à une trahison.

Bien sûr, s'il avait été possible de démontrer que les lenteurs de Grouchy avaient été calculées, son incompréhension simulée et son manque d'autorité volontairement caractérisée, alors on pourrait soutenir l'accusation: Grouchy aurait bel et bien trahi !!!

Mais, au profit de QUI ? Et en échange de QUOI ?

Pas du gros Provence. Après la seconde restauration, non seulement Grouchy fut inquiété, mais encore il fut banni. Il est vrai que sa courte campagne contre le duc d'Angoulême avait dû indisposer les Bourbons à son encontre. Certes, Louis le rétablit dans ses titres en 1819, mais il doit attendre 1821 pour rentrer en France et sa nomination à la dignité de maréchal de France n'est pas reconnue.

Une trahison au profit des Bourbons doit donc être écartée.

Reste l'Angleterre. Cette dernière aurait-elle pu acheter Grouchy ? Seul, un examen minutieux de la fortune de ce dernier, de son origine, de sa consistance et de son étendue, permettrait éventuellement d'apporter une première réponse. A priori, aucun auteur, aucun chercheur n'a jamais établi un lien quelconque. :salut:

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"Tant que les Français constitueront une Nation, ils se souviendront de mon nom."

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Message Publié : 22 Août 2008 19:27 
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Je rappellerai ce que j'ai déjà écrit par ailleurs: Grouchy pouvait et devait marcher au canon.

Ma conviction, c'est qu'il en a reçu l'ordre écrit. Pour des raisons obscures que certains vont jusqu'à qualifier de trahison, il ne l'a pas fait...

Seulement, entre les ordres véritablement rédigés, ceux qui ont été reconstitués et ceux qui ont disparu, il est très difficile pour ne pas dire impossible de faire un récit détaillé et véridique de cet aspect de la bataille.

Il est incontestable que dans l'après-midi du 18 juin, Napoléon espérait l'intervention de Grouchy. Il n'était pas homme à souhaiter cet évènement sans avoir tenté de le provoquer.

La vérité, c'est que le mystère de Waterloo persiste, parce que trop d'inconnus entrent dans l'équation de la reconstitution de la bataille.

L'Etat-Major consignait les ordres de l'Empereur dans un registre. Celui-ci a disparu et on ne l'a jamais retrouvé. On a dit que cette situation arrangeait bien Napoléon et qu'il avait pu ainsi recomposer la bataille à sa guise. C'est vrai, mais inversement, ceci a permis à ses détracteurs d'alimenter un procès qui n'est pas terminé...

On s'est beaucoup étonné de ce que Napoléon n'ait pas mieux flanc-gardé sa droite, celle qui devait fatalement recevoir le 1er choc des Prussiens; en tout cas, signaler leur approche. Bernard Coppens a démontré que cette droite n'en avait rien fait; que Marbot n'avait nullement galopé jusqu'à la colonne Schwerin.

Sur ce point, il me semble que les exécutants ont pêché par excès de confiance. Napoléon n'avait nul besoin d'ordonner à Marbot ou à un autre d'éclairer le flanc de son unité: c'est une règle d'application constante en campagne ! Si cela n'a point été fait, comme l'a démontré -je pense- Bernard Coppens, c'est parce que Marbot et Lobau s'attendaient certainement à voir survenir Grouchy plutôt que Blücher. Ces précautions leur ont paru inutiles.

A moins d'avoir perdu totalement la tête, leur attitude ne s'explique pas autrement. D'une manière ou d'une autre, il faut qu'ils aient été informés des instructions transmises à Grouchy. Sans doute ces instructions sont-elles parvenues avec retard. Ou même pas du tout...

Mais on ne peut finalement pas accepter de la part de Napoléon d'avoir pris le risque d'affronter 90 000 Anglo-allemands avec seulement 70 000 hommes, en se privant de 30 000 hommes qui étaient à une demi-journée de marche de l'armée.

Rappelons-le: Napoléon ignorait que Wellington s'était privé de 15 000 hommes en les laissant à Hal... Et ce jour-là, il avait absolument besoin d'une victoire.

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 Sujet du message : Les fautes de Napoléon...
Message Publié : 22 Août 2008 19:35 
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Evidemment, on ne peut que reconnaître les fautes de Napoléon. Je pense sincèrement qu'il n'était pas dans son assiette, car il sentait l'hostilité de ses subordonnés. L'ambiance n'était plus la même: il percevait bien qu'il était épié, surveillé et son optimisme de façade ne parvenait pas à briser la lourde ambiance autour de lui...

L'incident gravissime à propos de la marche de Drouet d'Erlon est là pour le rappeler. Napoléon envoie La Bédoyère porteur d'un ordre pour que ce corps se jette sur l'aile droite des Prussiens en l'enveloppant: c'était le succès assuré !

Mais Ney tempête, proteste et rappelle Drouet à lui qui n'ose désobéir, au motif que l'ordre porté par La Bédoyère était écrit au crayon et non signé ! Fatalité... L'Empereur n'a pas songé à ce détail: une simple signature de sa part et Drouet aurait fait la sourde oreille au rappel de Ney...

Pour Grouchy, l'affaire ne me semble pas réglée: certes, au vu des ordres que nous possédons aujourd'hui, Grouchy doit être absous. Mais la véracité desdits ordres n'est pas complètement établie: rappelons que les livres de l'Etat-Major dirigé par Soult, perdus dans la débâcle du 18 au soir, ne furent jamais retrouvés. Pour la plupart, ils furent reconstitués de mémoire...

A Waterloo, les apparences sont contre Napoléon: il n'a pas fait correctement éclairer sa droite: des piquets de cavalerie auraient dû se trouver en position près de Saint-Lambert. Cette simple précaution aurait évité la mauvaise surprise qui survînt plus tard. Est-ce que cet ordre devait être absolument donné par Napoléon ? N'était-ce pas de la responsabilité du Major-général, le maréchal Soult ? On a beaucoup épilogué sur ce point...

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 Sujet du message : Petit rappel...
Message Publié : 22 Août 2008 19:53 
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"Non, non, Grouchy n’a pas agi [à Waterloo] avec l’intention de trahir, mais il a manqué d’énergie. Il y a eu aussi de la trahison dans l’état-major. Cependant je n’en suis pas certain, n’ayant jamais revu Grouchy depuis lors."

Napoléon.

Maréchal GROUCHY (Emmanuel, marquis DE), maréchal de France, né à Paris en 1766, d’une ancienne famille de Normandie, mort en 1847. Ce général, on ne l’ignore pas, a été l’objet de beaucoup de controverses à propos de son rôle a la bataille de Waterloo, qu’on l’accuse communément d’avoir fait perdre par son inertie.

Mais donnons d’abord le résumé de sa vie militaire, qui ne fut pas sans éclat. Il entra au service à l’âge de treize ans, et il était sous-lieutenant aux gardes du corps lorsque éclata la Révolution, dont il embrassa la cause avec le généreux enthousiasme de la jeunesse. Il devint rapidement général, combattit en Savoie et en Vendée, fut destitué, comme noble, pendant la Terreur, mais réintrégré l’année suivante, et adjoint au général Hoche, qu’il seconda dans l’expédition de Quiberon et dans l’expédition avortée d’Irlande (1796). Il passa ensuite à l’armée d’Italie, parvint, par un coup de main hardi, à déterminer l’abdication du roi de Sardaigne en faveur de la France, et montra un courage héroïque à la malheureuse bataille de Novi, où il tomba, atteint de quatorze blessures, entre les mains des Russes. Echangé après Marengo, il reçut le commandement d un corps d’armée, prit une part glorieuse, sous Moreau, à la bataille de Hohenlinden, puis se distingua à Ulm, à Eylau et à Friedland. Il avait voté contre le Consulat, et il s’était honoré en prenant la défense de Moreau, son ancien chef et son ami ; néanmoins, il reçut, en 1808, le gouvernement de Madrid, se distingua de nouveau à Raab et à Wagram, commanda un des trois corps de cavalerie de la grande armée, dans la campagne de Russie, et, par son intrépidité à Wilna, Krasnoé, Smolensk, la Moskowa, fut jugé digne de commander, pendant la retraite, l’Escadron sacré, débris des cadres de nos héroïques légions. Tombé dans une sorte de disgrâce en 1813, il ne reprit un commandement que dans la lutte suprême de l’année suivante, soutint sa réputation pendant la campagne de France, et fut blessé assez grièvement au combat de Craonne. Mis à l’écart par la Restauration, il reçut, au retour de l’île d’Elbe, le commandement de l’armée du Midi (1815), contraignit le duc d’Angoulème à capituler, et fut élevé à la, dignité de maréchal de France. Au début de la campagne si courte et si tragique de 1815, il eut sous ses ordres la cavalerie de réserve, et joua un rôle extrêmement brillant à la bataille de Ligny.

Ici nous touchons à Waterloo. Au lendemain de Ligny, c’est-à-dire le 17 juin, Napoléon donna à Grouchy le commandement d’un corps d’armée de 35.000 hommes, avec ordre de poursuivre les Prussiens, d’empêcher Blücher de faire sa jonction avec Wellington. D’après la légende longtemps reçue, la conduite de Grouchy, depuis cette matinée du 17 jusqu’à la soirée du 18, n’aurait été qu’une suite de bévues, un enchaînement de fautes plus grossières les unes que les autres ; enfin la bataille de Waterloo eût été gagnée par Napoléon, si le maréchal n’eût laissé passer les Prussiens ou fût accouru sur le terrain avec son corps d’armée. M. Thiers, toujours favorable aux données populaires et napoléoniennes, n’a fait que confirmer cette version complaisante, écho du Mémorial de Sainte-Hélène. Napoléon, en effet, suivant son invariable coutume de rejeter ses propres fautes sur ses lieutenants, a imputé la perte de la bataille, nettement, formellement, à Ney et à Grouchy, l’un fusillé, l’autre proscrit pour sa cause. Ces allégations, soutenues par d’autres témoignages, ont donné lieu à différentes publications.

Grouchy, encore en exil, fit paraître en 1819 un mémoire justificatif ; quelques assertions contenues dans ce mémoire furent alors combattues ; la publication d’un poème de Méry et de Barthélémy vint réveiller cette controverse. Le général Gérard, depuis maréchal, alors député de la Dordogne, dans le camp de l’opposition, y prit part, et publia un écrit intitulé : Quelques documents sur la bataille de Waterloo, propres à éclairer la question portée devant le public par M. le marquis de Grouchy (brochure in-8°). Il y a déjà de la malveillance dans ce titre : Grouchy était marquis, sans doute, mais il était général, titre qui, aux yeux de M. Gérard, devait valoir mieux que l’autre, et qu’en bon camarade il eût dû préférer donner à celui qu’il voulait combattre. Mais passons. Le point sérieux du débat est celui-ci : Grouchy commandait un corps d’armée séparé du corps de bataille et opérant sur la droite. Il avait ordre de suivre Blucher, qui se retirait du côté de Namur, mais qui déroba habilement sa marche au général français au moyeu d’une forte arrière-garde, passa la Dyle à Wavres et revint sur Waterloo opérer sa jonction avec les Anglais et décider la victoire. Le matin du 18, Grouchy marcha sur Wavres, lorsqu’il entendit une forte canonnade sur sa gauche : c’était le canon de Waterloo. S’il eût marché sur le canon, il eût, dit-on, en prenant part à l’action principale, opéré une diversion puissante qui, peut-être, eût changé les résultats de cette funeste et mémorable journée. Pour ne l’avoir pas fait, Grouchy allégua ses ordres, qu’il n’aurait pu modifier, en y contrevenant, qu’en prenant sur lui une grave responsabilité, et en vertu d’une certitude qu’il n’avait pas.

Mais ce n’est pas tout ; non-seulement on disait que Grouchy n’avait point eu l’idée de marcher sur la gauche, mais qu’il avait expressément rejeté le conseil que lui donnait le général Gérard, de manœuvrer en ce sens. Ce fait est contesté dans le mémoire de 1819, qui contient, en outre, quelques observations défavorables au 4e corps. Le général Gérard n’avait point d’abord répondu ; d’autres l’avaient fait pour lui ; mais, quant à lui, il pensait sans doute que la situation malheureuse d’un ancien compagnon d’armes lui prescrivait le silence. Mais ce motif n’existant plus en 1823, et comme la question venait d être relevée dans un sens contraire au sien, il crut de son devoir de s’expliquer. Dans la brochure qu’il publia à cette époque, le commandant du 4e corps se justifie sans doute de tout reproche, mais il n’y prouve pas que Grouchy en ait eu à se faire. Gérard y dit bien qu’il avait ouvert, le 18, entre onze heures et midi, l’opinion de faire manœuvrer un corps d’armée, avec quelque cavalerie, sur le canon de l’Empereur. « Je n’ai pas la présomption de dire, ajoute-t-il, que dans ce moment je calculais les immenses résultats qu’aurait produits cette manœuvre, comme l’événement l’a prouvé, si elle eût été exécutée ; en manifestant cet avis, je n’étais frappé que de l’idée, du reste fort simple, de nous lier avec les troupes de gauche. »

Tout cela est fort bien, et peut entrer comme témoignage dans le grand procès d’art militaire dont la bataille de Waterloo est le sujet, mais ne prouve pas que le général Grouchy, qui croyait encore avoir les Prussiens devant lui, ait dû prendre sur lui d’exécuter une manœuvre que ses ordres lui prescrivaient de ne pas faire. Il a pu être malhabile dans une circonstance suprême où le succès fait absoudre de la désobéissance ; mais il y a loin de là à un mauvais dessein prémédité et surtout à cette persistante et terrible accusation de trahison, que les partisans trop zélés de Napoléon ont voulu et veulent encore attacher au nom de Grouchy. Sa conduite postérieure le justifie d’ailleurs suffisamment de ce banal reproche de trahison.

Son fils, sénateur du second Empire, a publié, en 1864 (Paris, Dentu, in-12), une brochure destinée à réfuter une partie des assertions de M. Thiers, et qui est intitulée : le Maréchal Grouchy du 16 au 18 juin 1815. Sans doute, on doit se tenir en garde contre ces apologies de famille ; mais ce travail contient des détails intéressants, et nous devions l’indiquer comme une des pièces du procès. Mais il y a des études plus profondes et plus concluantes, parce qu’elles embrassent tout l’ensemble des opérations. Pour avoir une idée exacte et de cette terrible défaite et de l’épisode qui nous occupe, il est absolument indispensable de lire les derniers travaux, et spécialement L’Histoire de la campagne de 1815, par Charras, et le livre de M.E. Quinet sur le même sujet (Paris, Michel Lévy, 1862). La question qui nous occupe est complètement élucidée dans ces ouvrages de premier ordre, qui, sortant de la donnée commune, s’appuyant sur une masse de matériaux, ont porté lumière sur bien des points et détruit bien des préjugés. En ce qui concerne Grouchy, qu’il ait commis des fautes, c’est ce qui parait incontestable ; mais il ne l’est pas moins que la direction fausse dans laquelle il s’avança et s’égara lui avait été imposée par Napoléon, qui, au lieu de faire poursuivre les Prussiens dès le soir même de Ligny, et, dans la nuit, de les faire serrer de près, afin qu’il ne pussent nous dérober un seul de leurs mouvements, attendit au lendemain, à trois heures de l’après-midi, pour se décider à une sérieuse recherche, pour envoyer sur leurs traces, désormais confuses et trompeuses, un corps d’armée qui ne pouvait plus que les suivre à tâtons et très difficilement les atteindre. Voilà quelle aurait été l’une des premières causes du succès de la manœuvre audacieuse de Blücher, et ce qui lui ouvrit toute large la route de Saint-Lambert et de Planchenoit. Grouchy ne prévit pas, sans doute, la jonction ; mais Napoléon ne la prévit pas davantage, voilà ce qui paraît établi ; il croyait les Prussiens en pleine retraite, et il envoya son lieutenant à leur poursuite, sans instruction précise, sans que rien dénotât chez lui l’idée de s’appuyer sur les divisions Grouchy et d’agir de concert. Grouchy aurait dû, dit-on, marcher au canon, vers Waterloo ; mais, outre que ses ordres ne lui prescrivaient rien pour une telle éventualité (et l’on sait que les prescriptions impérieuses de Napoléon glaçaient toute initiative chez ses généraux), rappelons, encore une fois, qu’il croyait avoir toute l’armée prussienne non loin de lui, et qu’en abandonnant sa position il pouvait craindre de lâcher la proie pour l’ombre et d’entraver les combinaisons de l’Empereur. Son erreur prouve qu’il a manqué de tact militaire et d’habileté ; niais cette erreur admise, il pouvait très légitimement se croire dans la lettre et dans l’esprit de ses instructions.

Et, maintenant, que fût-il arrivé s’il avait dirigé son corps d’armée sur le lieu de l’action ? Ici nous sommes en pleine conjecture. Cependant, il y a un fait capital, qui permet de supposer avec quelque vraisemblance que l’issue de la bataille n’aurait probablement pas été changée. En effet, Blücher avait pris ses dispositions de marche à la pointe du jour (qu’on n’oublie pas que nous sommes en juin) pour acheminer son armée sur Waterloo, et cependant ses bataillons n’y arrivèrent qu’à quatre heures, et successivement jusqu’à sept heures et demie. Or Grouchy, qui n’avait aucun ordre pour prendre part à la bataille du 18, et qui n’aurait pu y songer qu’à midi passé, quand il entendit les premiers grondements lointains du canon, serait certainement arrivé longtemps après Blücher, et peut-être après la fin du terrible combat. Il faut ajouter que, par un contre-temps fréquent à la guerre, il ne reçut aucune des dépêches que Napoléon lui envoya assez tard dans la journée, soit que les estafettes eussent été prises ou tuées, soit qu’elles eussent passé à l’ennemi. Nous ne pousserons pas cette analyse au delà de ce qui était nécessaire pour donner une idée du rôle de Grouchy, évidemment dénaturé, et dont la gravité a été exagérée à ce point que les fictions populaires lui font supporter tout le poids de la responsabilité, dans la terrible défaite de Waterloo. Après l’écrasement de notre armée, Grouchy fit la seule chose qui restait à faire à un capitaine vigilant : il opéra sa retraite en bon ordre, se retira sur Paris, où il fit proclamer Napoléon II au milieu de ses troupes, et n’abandonna le commandement que devant le mauvais vouloir de ses généraux. Proscrit par la Restauration, il passa aux États-Unis, revint en France en 1821, ne put obtenir d’être employé dans la guerre d’Espagne (1823), et ne fut rétabli dans sa dignité maréchal de France qu’après la Révolution de Juillet. Appelé par Louis-Philippe à la Chambre des pairs, il vota avec l’opposition modérée, et ne voulut prendre aucune part aux débats du procès d’avril 1834. Depuis 1815 jusqu’à la fin de sa vie, il eut à répondre aux attaques les plus passionnées et souvent les plus injustes, pour sa conduite dans la dernière guerre de l’Empire. Voici les principaux écrits qu’il a publiés à cette occasion : Observations sur la Relation de la campagne de 1815, du général Gourgaud (1819) ; Réfutation de quelques articles dex Mémoires du duc de Rovigo (1829); Influence que peuvent avoir sur l’opinion les documents relatifs à la bataille de Waterloo publiés par le comte Gérard (1S30) ; Plainte contre le général -Berthezène (1840) ; Fragments historiques (1840).

Extrait du dictionnaire Larousse du dix-neuvième siècle.

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Message Publié : 23 Août 2008 19:21 
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Inscription : 13 Nov 2007 13:45
Message(s) : 1912
Evidemment, on ne peut que reconnaître les fautes de Napoléon. Je pense sincèrement qu'il n'était pas dans son assiette, car il sentait l'hostilité de ses subordonnés. L'ambiance n'était plus la même: il percevait bien qu'il était épié, surveillé et son optimisme de façade ne parvenait pas à briser la lourde ambiance autour de lui... (Bruno) ...


Que la motivation des subordonnés ait laissé à désirer, cela ne fait aucun doute.
Partant de cette quasi certitude, il m'apparaît un peu sévère de dire que l"on ne peut que reconnaître les fautes de Napoléon" ...
En effet, un Chef "isolé", aussi compétent puisse-t-il être, et doté de ce génie que nous connaissons à Napoléon, peut exiger la tolérance que génère ces circonstances atténuantes.

Entouré et obéi comme il le fut à Austerlitz par exemple, nul doute que l'issue nous aurait été des plus favorables.


L'incident gravissime à propos de la marche de Drouet d'Erlon est là pour le rappeler. Napoléon envoie La Bédoyère porteur d'un ordre pour que ce corps se jette sur l'aile droite des Prussiens en l'enveloppant: c'était le succès assuré !

Mais Ney tempête, proteste et rappelle Drouet à lui qui n'ose désobéir, au motif que l'ordre porté par La Bédoyère était écrit au crayon et non signé ! Fatalité... L'Empereur n'a pas songé à ce détail: une simple signature de sa part et Drouet aurait fait la sourde oreille au rappel de Ney... (Bruno) ...



Ce point de détail, dont l'importance n'est pas négligeable, loin s'en faut, prouve à quel point la confusion générale s'était installée dans l'esprit de chacun des intervenants de ce drame.

L'Empereur, très certainement contrarié par l'évolution hasardeuse des opérations, réalisant la non exécution de ses ordres, souffrant en plus physiquement, a pu ressentir quelques difficultés à se reconcentrer dans cet inextricable pêle-mêle ...



Pour Grouchy, l'affaire ne me semble pas réglée: certes, au vu des ordres que nous possédons aujourd'hui, Grouchy doit être absous. Mais la véracité desdits ordres n'est pas complètement établie: rappelons que les livres de l'Etat-Major dirigé par Soult, perdus dans la débâcle du 18 au soir, ne furent jamais retrouvés. Pour la plupart, ils furent reconstitués de mémoire... (Bruno) ...


Le sera-t-elle un jour ?

L'Histoire est ainsi faite, qui aime à conserver quelques-uns de ses secrets au fin fond de son alcôve ...
Qui plus est, lorsque disparaissent les documents officiels qui auraient pu lever un coin du voile mystérieux occultant la vérité des faits qui nous est si chère !...

Il me semble assez incohérent de pencher vers la trahison de Grouchy, lui qui s'offusqua d'entendre un Davout lui annoncer que toute résistance a l'ennemi devenait inutile et qu'il fallait inciter les troupes à arborer la cocarde blanche !

N'oublions pas non plus que Grouchy, peu de temps auparavant, avait fait jurer fidélité à ses troupes, annonçant fièrement la reconnaissance, par le gouvernement provisoire, de Napoléon II comme souverain...

Par ailleurs, un colonel, dragon belge du nom de Ladrière, rapporte ces propos de l'Empereur qui se trouvait avec Ney, lorsque ce dernier s'indignait du retard de Grouchy :

"-Tais-toi, Ney, tais-toi. Si, par une fatalité que je ne puis encore comprendre, il n'est pas arrivé à temps pour nous sauver, je le considère comme un homme de coeur et d'honneur, ayant toujours fait son devoir comme toi, et je ne permettrai pas qu'on l'attaque en ma présence".

Au registre de ce même plaidoyer pour Grouchy, il a également été évoqué l'histoire de cet officier d'état-major, fait prisonnier avec un ordre écrit de l'Empereur, fixant à Grouchy le détail des opérations à mener face au Corps prussien...

Soult n'est peut-être pas innocent non plus, si l'on considère le côté parcimonieux de la transmission des ordres de l'Empereur ...

A noter également, le rapport de Wellington à Bathurst, rapport daté du 19 Juin 1815 :

"-L'ennemi ne fit aucun mouvement pour poursuivre le maréchal Blücher ; au contraire, une patrouille que j'envoyais dans la matinée à Sombref, trouva tout tranquille, et les vedettes de l'ennemi se retirèrent à l'approche de la patrouille".


A Waterloo, les apparences sont contre Napoléon: il n'a pas fait correctement éclairer sa droite: des piquets de cavalerie auraient dû se trouver en position près de Saint-Lambert. Cette simple précaution aurait évité la mauvaise surprise qui survînt plus tard. Est-ce que cet ordre devait être absolument donné par Napoléon ? N'était-ce pas de la responsabilité du Major-général, le maréchal Soult ? On a beaucoup épilogué sur ce point... (Bruno) ...


Certes, Bruno ; et nos interrogations demeurent, hélas , sans réponse ...





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