Citer :
“Je raconte ce que j’ai vu : témoin d’un des plus grands désastres qui aient jamais affligé une nation puissante, spectateur et acteur dans tout le cours de cette triste et mémorable expédition. J’ai écrit, jour par jour, les événements qui ont frappé mes yeux, et je cherche seulement à communiquer les impressions que j’ai ressenties. C’est à la lueur de l’incendie de Moscou que j’ai décrit le sac de cette ville ; c’est sur les rives de la Bérézina que j’ai tracé le récit de ce fatal passage [...]. Réduit, comme tous mes compagnons d’armes, à lutter contre les derniers besoins, transi de froid, tourmenté par la faim, tous mes sentiments semblaient s’être concentrés dans le désir de vivre pour conserver la mémoire de ce que je voyais ; animé par cet indicible désir, toutes les nuits, assis devant un mauvais feu, sous une température de vingt à vingt-deux degrés au-dessous de la glace, entouré de morts et de mourants je retraçais les événements de la journée. Le même couteau qui m’avait servi à dépecer du cheval pour me nourrir, était employé à tailler des plumes de corbeau ; un peu de poudre à canon, délayée dans le creux de ma main avec de la neige fondue, me tenaient lieu d’encre et d’écritoire.”
Source.
(La campagne de Russie. Récit d'un officier de la Grande Armée, d'Eugène Labaume, Cosmopole, 2002
La Campagne de Russie racontée par un colonel d'Etat-Major, officier d'ordonnance d'Eugène de Beauharnais. Récit complété par un dossier comprenant illustrations et cartes.)