Dans son ouvrage "Napoléon, roi de l'île d'Elbe", Paul Gruyer mentionne que la décision du retour de l'ïle d'Elbe avait été prise dès Fontainebleau et il fait référence à un propos tenu plus tard par l'Empereur à Sainte-Hélène.
Selon cet auteur, il ne pouvait, dès la première chute, s'avouer vaincu à tout jamais et considérer d'avance son rôle comme terminé.
A peine avait-il quitté la France et s'était-il repris, après sa fuite tragique dans le Midi, à peine l'Undaunted qui l'emportait avait-il levé l'ancre, qu'il trahissait, malgré lui, à bord du navire, ses secrets sentiments.
"En vain, écrivait alors Campbell, répéte-t-il qu'il n'aspire plus qu'à finir ses jours à l'île d'Elbe, dans le culte des arts et des sciences. Il laisse fréquemment percer les signes de son besoin d'activité et son espérance intime qu'une occasion s'offrira à lui d'exercer son ambition. Il se montre persuadé que la plus grande partie de la France lui est demeurée favorable. Les Bourbons, dit-il, et les grands seigneurs ne songent qu'à la joie d'avoir retrouvé leurs terres et leurs châteaux. Mais si le peuple est mécontent d'eux, il les chassera avant six mois."
Une autre preuve de la pensée préconçue qu'il reviendrait, fut ce choix même que, lors de l'abdication, il fit de l'île d'Elbe.
Cette mauvaise "petite bicoque", comme il appelait l'île dans ses moments d'humeur ou de sincérité, on ne la lui avait pas imposée. On lui avait même offert la Corse. Il l'a toujours dit et ce n'est point invraisemblable.
Il était naturel que l'on rendit "l'ogre" à son antre, le Minotaure au pays qui l'avait produit. C'est lui qui l'avait refusée.
Pourquoi donc, alors que ses compatriotes l'eussent accueilli avec transports et porté sur le pavois ?
S'il avait choisi Elbe, c'était justement parce que cette Corse plus vaste lui était inutile. Souveraineté réelle, elle représentait cette stabilité définitive à laquelle il ne voulait pas songer. Elle représentait l'acceptation du fait accompli, l'engloutissement moral de l'avenir, la séparation d'avec le monde dans le fouillis de ses maquis.
Elbe, au contraire, représentait une étape passagère, où rien ne le détournerait de son but, un pied à terre transitoire d'où il voyait le continent par sa fenêtre, d'où, comme il l'a avoué avec franchise "il pouvait surveiller la France et les Bourbons" et, pour ce retour plein d'aléas, connaître au mieux et saisir l'heure propice.
Car ce retour qu'il désirait, ne dépendait pas de lui, mais des événements.
Il s'en rendait compte et ne s'aveuglait pas sur la situation : "Les Bourbons, a-t-il dit, ont eu ma conduite à leur disposition. S'ils comprenaient qu'il fallait recommencer une nouvelle dynastie et non pas continuer l'ancienne, je n'avais plus rien à faire, ma mission politique était terminée. Je demeurais à l'île d'Elbe. Mais leur entourage, une fausse marche, m'ont rendu désirable. Ce sont eux qui ont réhabilité ma popularité et prononcé mon départ. On m'objectera que le Congrès de Vienne m'aurait enlevé de mon île et je conviens que cette circonstance a hâté mon retour. Mais, si la France eût été bien gouvernée, mon influence était finie et l'on n'eût point songé à me déplacer. C'est ce qui se passait à Paris qui a fait songer à mon éloignement et qui a tout entraîné."
Interpellant, n'est-ce pas ?