"Le lendemain, en effet, Napoléon à cheval dès la pointe du jour, descendit à Priesnitz avec une forte colonne d'infanterie et toute l'artillerie de la Garde, et fit commencer le passage sous ses yeux. Les Russes étaient rangés sur l'autre rive, et paraissaient résolus à la défendre. Napoléon ordonna l'établissement d'une forte batterie sur les hauteurs de Priesnitz, afin de balayer la plage située vis-à-vis, et fit monter sur le champ les voltigeurs dans les embarcations qu'on s'était procurées. 300 chasseurs passèrent, et chassèrent les tirailleurs russes, tandis que par un va-et-vient continuel d'autres allèrent les rejoindre et les renforcer. Sur-le-champ ils comencèrent un fosé pour se couvrir, pendant que la canonnade s'établissait au-dessus de leur tête.
Les russes amenèrent de l'artillerie, Napoléon en amena davantage, et bientôt ce fut sous le feu de 50 pièces russes, et de 80 françaises, que le travail du pont fut continué. Les boulets tombaient de tout côté, et l'un de ces boulets venant heurter un magasin de planches près duquel Napoléon était placé, lui lança à la tête un éclat de bois qui l'atteignit sans le blesser.
Quelques Italiens rangés en cet endroit, cédèrent à un mouvement de peur, pour lui plus que pour eux.
Non fa male, leur dit-il, en les qualifiant de quelques expressions plaisantes, et provoquant parmi eux de grands éclats de rire, il les fît, à son exemple, rester gaiement sous une grêle de projectiles."
D'après Thiers, tome 15, livre XLVIII, p. 501 et 502.
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