Mes Chers Amis, quel bonheur de vous retrouver, toujours aussi "fidel (èles)"

, dans ce moment où, déjà, je sens mon coeur palpiter comme si j'allais, dans quelques minutes, revivre cette arrivée de notre Empereur à Paris ! ...
Espérant que Fidel, après un voyage apparemment assez agité, aura remis un peu d'ordre dans ses effets, et que notre Duc aura fait quelques vocalises en guise de répétition pour acclamer l'Empereur, je pose quant à moi, la dernière touche à ma coiffure, et vais de ce pas m'approcher de la calèche impériale ...
Il venait de parcourir cette route, entre Fontainebleau et Paris, sur laquelle tant de fois, il avait passé des troupes en revue !
Pour l'heure, il venait d'accomplir sa plus belle Campagne, sans un seul coup de feu, comme il l'avait voulu et toujours rêvé ...
Le peuple était venu, et, grâce à lui, ce rêve venait de s'accomplir ...
Hommes, femmes, enfants, on les avait tous vus courir autour de la calèche de l'Empereur, dès son entrée à Paris ; certains la précédaient, d'autres la suivaient, de telle sorte que les chevaux furent contraints d'avancer au pas ...
Même les chevaliers de l'escorte ne parvenaient pas à écarter cette foule qui se resserait autour de la calèche ...
L'Empereur, grandement récompensé, voyait pleurer ces hommes et ces femmes venus l'accueillir, et des invalides, brandissant leurs béquilles, se montraient fiers de laisser apparaître leur Légion d'Honneur !
Bref, devant les Tuileries, où hier soir j'ai suspendu mon récit à l'arrêt de la caclèche impériale, c'était une véritable marée humaine qui attendait le Sauveur ...
Aussitôt la portière ouverte, l'Empereur se trouva arraché de sa voiture, enlevé et porté vers l'escalier d'honneur du Palais,et passant de bras en bras, au milieu de cette foule rugissant de signes d'affection !
Des hommes et des femmes à genoux tentaient de le toucher, et lui criaient leur adoration comme à un dieu vivant !... Pour le saluer mieux encore, les trois couleurs jaillissaient de toutes les fenêtres des habitations ...
Ainsi hissé sur un pavois humain, c'était un véritable délire furieux qui animait et possèdait tout ce peuple réuni ...Il avait, ce peuple, des caresses de tigres, jalouses et brutales, dont il ne maîtrisait plus la spontanéité, ni l'intensité ; elles avaient, en quelque sorte, la force de leurs cris de :
"
VIVE L'EMPEEREEEEEURRRRRRRRRRRRRRRRRRRRRRR !" ...
Curieusement, l'Empereur se trouva dans le même danger que lors de son arrivée à Grenoble, à la différence près que l'espace étant plus resserré, l'aggravation s'en trouva accrue, lorsqu'il "vogua" ainsi, pris dans le flot qui le poussait vers cet escalier d'honneur, et le torrent humain qui, de l'étage supérieur, bondit en même temps vers Lui, pour l'acclamer ! ...
Spectacle inouï et grandiose !

L'ivresse du bonheur s'exprimait de tous côtés à la fois
Mais Caulaincourt finit par s'énerver à la vue de cette fourmilière indomptable, et cria à Lavalette :
-"Au nom de Dieu ! Placez-vous devant Lui !"
Aussitôt dit, aussitôt fait, Lavalette s'élança, se retourna, et s'arc-boutant à la rampe en se raidissant, il commença à monter à reculons, tout en précédent l'Empereur à une marche de distance, et répétant sans cesse :
-" C'est vous ! C'est vous ! C'est vous !" ...
Lui, semblait ne rien voir, ne rien entendre, abasourdi sans doute, lorsqu'il se laissait porter, les yeux fermés, un sourire fixe aux lèvres, tel un somnambule ...
On amena l'Empereur dans son Cabinet, en refermant les portes sur la foule ...
Peu à peu, le tumulte s'apaisa ...
Les cavaliers attachèrent leus chevaux aux grilles du Carrousel, et se couchèrent à même le sol, enveloppés dans leurs grands manteaux ...
La cour des Tuileries ressemblait maintenant à un grand bivouac, dans une ville que l'on venait de prendre d'assaut ...
A ce soir pour quelques réflexions sur cette prodigieuse marche.
