Bruno Roy-Henry a écrit :
Il résulte de différentes sources que Zenowicz a bel et bien manoeuvré pour obtenir de porter un message d'une importance capitale à Grouchy. Il semble bien que Soult ou tout au moins une personne rattachée à son état-major ait favorisé l'entreprise de Zenowicz, tout en ralentissant au maximum son départ. De plus, il apparaît que Zenowicz a choisi le chemin le plus long qui soit pour porter un pli considéré comme urgentissime ! En outre, il est démontré qu'il a plutôt musardé en chemin que fait diligence !!
Pouvez-vous nous dire de quelles sources vous faites état ? Vu que Zenowicz faisait partie de l'état-major, il était normal qu'à un moment ou un autre, il soit désigné pour porter un message, et dans les circonstances, tous les messages étaient d'une importance capitale. Un autre officier aurait-il agi d'une façon différente ?
Bruno Roy-Henry a écrit :
Il semble donc certain qu'un complot ait visé à imposer Zenowicz comme porteur d'un message de Napoléon pour Grouchy, message que l'on savait inévitable et qui conditionnait le salut de l'armée et la victoire ! La complicité de Soult ne saurait faire de doute : il était à même de jauger le personnage et de lui substituer éventuellement un autre porteur, ce qu'il n'a pas fait : abstention curieuse pour ne pas dire coupable...
La question est de savoir s'il s'agit de comprendre ou de juger, de prendre parti.
Par exemple, quand on lit :
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Waterloo fut certainement une catastrophe pour tous ces Français qui réclamaient leur Empereur exilé à Elbe, et en qui ils avaient mis, à juste titre, toute leur confiance pour protéger le pays de la main mise des Bourbons."
...on peut se demander ce qu'on fait des Français qui avaient mis "
à juste titre" leur confiance dans les Bourbons... Ils étaient nombreux, et notamment dans l'état-major et dans les cadres de l'armée.
Qui avait tort, qui avait raison ? Chacun avait raison... de son point de vue.
Pour nombre de militaires, Napoléon avait provoqué la ruine et l'invasion de la France par sa politique démesurée. Ayant abdiqué, il avait délié les militaires de leur serment et leur avait prescrit de servir les Bourbons. Son retour de l'île d'Elbe n'apparaissait, à leurs yeux, qu'une aventure qui allait entraîner la ruine définitive de la France. Voici ce qu'écrivait le capitaine Aubry, du 12e régiment de Chasseurs à cheval :
"
On est fort embarrassé avec un pareil homme. Il avait été vaincu à cause de ses excès de pouvoir dont il avait fait un si grand abus. Il était la cause de l'envahissement de la France par les armées coalisées de l'Europe qu'il avait poussée à bout par son ambition insatiable ; le sol de la patrie n'aurait jamais dû être violé par l'étranger surtout à cette époque où elle était puissante, avec une innombrable quantité de soldats et des meilleurs qu'on ait jamais vus. Louis XVIII avait succédé à Napoléon. On le disait très bon et très capable; mais il y avait dans la masse de la nation une répulsion pour les Bourbons, surtout dans l'armée; enfin, de gré ou de force, le Roi avait été reconnu, on lui avait prêté serment. Au moment du débarquement de Bonaparte de l'Ile d'Elbe, tous les régiments, toute l'armée ont fait au roi des adresses de dévouement ; tous les officiers ont signé le renouvellement de leur serment. Quel embarras pour eux ! Voilà deux souverains en présence ! Auquel obéir ? Le soldat criait: Vive l'Empereur ! l'officier ne disait mot."
Je pense qu'il y a eu une sorte de conjuration pour écarter Napoléon du pouvoir, mais j'éviterais l'emploi des mots "complicité" et "coupable" qui ne relèvent pas de l'analyse historique. Je ne traiterais pas davantage de "traîtres" ou de "renégats" ceux qui avaient prêté serment à Louis XVIII et qui se sont ralliés à Napoléon. A l'époque, il fallait avoir une tête bien construite pour savoir ce qu'il fallait faire : voir la citation du capitaine Aubry (qui en vaut bien une autre).
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