L'Énigme des Invalides

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Message Publié : 15 Mars 2009 15:39 
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Contexte : Les ouvertures de l'Angleterre datent du début de mars 1806 et deviennent explicites à la fin du mois. Les négociations s'engagent à la mi-juin.

Au préalable, un projet de traité avec la Russie avait été agréé
par Oubril, le représentant du Czar. Sa base était l'uti possidetis (ce que chacun possède). Le Czar ne semblait pas réclamer d'indemnité pour l'ex-roi de Naples, réfugié en Sicile.

Aux yeux des détracteurs habituels de Napoléon, s'agissant des freins éventuels à la paix venus de l'Angleterre, on peut évoquer les avis émis par Londres au sujet du traité d'Oubril. Mais premièrement Alexandre n'avait pas besoin des Anglais pour rejeter ce texte et deuxièmement, il s'agit ici, non de la paix en général, mais de la paix signée en vertu d'un traité jugé bien trop favorable à une France dont les conquêtes en Europe faisaient déjà pâlir. Ainsi, quand on reçut la nouvelle que le traité d'Oubril avait été refusé par le tsar, Lauderdale fut chargé de relancer les négociations au nom des deux cours et sur les mêmes bases que celles avancées dès le début août (à la différence que les relations franco-prussiennes avaient depuis fort évolué).

Selon ces mêmes détracteurs, quand on observe la tenue des négociations de paix de l'été (mais même du printemps) 1806, celui qui traine les pieds (et à raison, puisqu'il voulait régler les affaires européennes : Hollande, Naples, confédération germanique) avant tout traité et s'imaginait que le traité d'Oubril pouvait être ratifié, c'est bien Napoléon.

Ainsi donc, l'échec final des négociations ne serait imputable qu'au seul Napoléon.

Note remise par Lauderdale, deux jours après son arrivée à Paris, à Clarke et Champagny, le 7 août 1806 :

"Le roi d'Angleterre ayant trouvé que les circonstances lui permettaient de traiter séparément, c'était avec bien du plaisir qu'il recevait la proposition de traiter généralement sur la base de l'uti possidetis, qu'on devait observer scrupuleusement, excepté le cas du Hanovre, qu'on se proposait de céder à Sa Majesté en entier... Le sousigné déclare qu'il ne peut pas consentir à traiter autrement que sur le principe de l'uti possidetis, comme originairement proposé par la France. L'adoption du principe n'empêchera pas d'écouter à une indemnité juste et satisfaisante à Sa Majesté Sicilienne pour la cession de la Sicile."


"Aucune des conditions contenues dans les instructions de Lauderdale n'étaient scandaleuses [...]
La paix était en vue. Il aurait sans doute suffi que l'empereur des Français en décide ainsi et le traité aurait été signé en quelques jours. Il n'en fut rien [...]
Tel est pris qui croyait prendre : à trop vouloir jouer du fait accompli, l'empereur des Français voyait ses chances de parvenir à une paix sans concession s'envoler."

Lentz, Nouvelle Histoire du Premier Empire - Napoléon et la conquête de l'Europe 1804-1810.


"Fox cède sur la Sicile à condition de dédommager équitablement Ferdinand IV et ouvre la négociation aux anciennes colonies françaises et hollandaises occupées par l'Angleterre, sur la base d'échanges territoriaux honnêtes. On ne peut aller plus loin.
Mais Napoléon tergiverse encore. Il attend la ratification de son traité de paix avec la Russie à Saint-Pétersbourg. A force de jouer sur tous les tableaux, il finira par tout perdre."

Waresquiel, Talleyrand, le prince immobile.


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"Tant que les Français constitueront une Nation, ils se souviendront de mon nom."

Napoléon.


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 Sujet du message : LES FAITS !!!
Message Publié : 16 Mars 2009 17:30 
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Après la mort de Pitt en janvier 1806, Fox revient au pouvoir et exerce la charge de secrétaire au Foreign Office. Suite à un échange de lettres avec Talleyrand, il offre franchement la paix, sous condition de la voir agréer par la Russie.

Cette proposition est immédiatement acceptée par Napoléon qui indique sur quelles bases elle pourrait être conclue. Il refuse cependant une négociation collective, préférant une paix séparée. Lille est indiquée pour recevoir les plénipotentiaires.

Cependant, Fox insiste sur une négociation englobant la Russie et l'Angleterre, assurant y être contraint par le traité d'alliance passé avec le Czar. Talleyrand met tout son talent à lever l'obstacle qui surgit, les négociations à peine commencées.

Une négociation directe avec la Russie paraissant praticable, la difficulté semble levée. Les deux parties échangent les prisonniers les plus distingués, dont Lord Yarmouth, préalablement reçu par Talleyrand qui lui résume les propositions françaises.

Suite à l'incident des bouches du Cattaro, le Czar décide d'envoyer à Paris l'ancien secrétaire de la légation russe, M. d'Oubril. La Russie accepterait la paix sur la base de l'état actuel de l'Europe, sous réserve que l'on indemnise les rois de Sardaigne et de Sicile des pertes faites sur le continent.

Dans ces conditions, le retour de Lord Yarmouth se justifie pleinement. Parvenu à Paris, il est porteur des conditions de paix anglaises. La base en est essentiellement l'uti possidetis et le retour du Hanovre à l'Angleterre. Reste à s'entendre sur la Sicile.

Dans l'attente d'Oubril, Napoléon désire allonger le temps des négociations afin de réaliser les projets qu'il a conçu pour l'Europe.

Ce dernier n'arrive à Paris qu'en juin et s'abouche aussitôt avec Talleyrand. Ce dernier consent à garantir l'évacuation de l'Allemagne, l'intégrité de l'empire ottoman, l'indépendance de la république de Raguse. Reste le cas de la Sardaigne et de la Sicile.

L'Empereur refuse absolument des compensations pour le roi de Sardaigne et exige la Sicile, moyennant une indemnité aux Bourbon de Naples. Oubril ne veut pas céder sur ce point, aussi Talleyrand promet-il de la trouver aux Baléares. Yarmouth, tenu au courant, n'est pas très favorable à cette mesure.

Cependant, pour éviter une complication diplomatique au sujet des bouches du Cattaro, Napoléon menaçant de s'en prendre à l'Autriche, Oubril signe finalement la paix le 20 juillet sur les bases proposées de part et d'autre et retourne en russie pour le faire ratifier.

Talleyrand peut alors se retourner vers Yarmouth en lui demandant de produire ses pouvoirs, l'obstacle russe étant désormais aplanni. Ce fut chose faite le 22 juillet, le général Clarke étant désigné comme plénipotentiaire pour la France.

Les deux parties sont près de s'entendre, mais lord Yarmouth résiste sur la question de la Sicile. Entre-temps, le gouvernement anglais paraît furieux de la précipitation de'Oubril à conclure et en proteste auprès de la Russie; il décide d'adjoindre un whig, Lord Lauderdale à Yarmouth, pensant que ce dernier est finalement trop francophile.

Champagny est nommé de son côté pour appuyer Clarke. Lauderdale produit une déclaration formelle s'appuyant sur l'uti possidetis. Après plusieurs explications, les négociateurs semblent près de parvenir à un accord, l'Angleterre acceptant éventuellement la remise de la Sicile à la France, sauf à ajouter aux Baléares déjà promises aux Bourbon de Naples, par exemple en Dalmatie. Les Anglais laissent entendre toutefois que les bases acceptées par M. d'Oubril ne seront peut-être pas acceptées par le Czar. Le sort final de la négociation est donc suspendu à la position d'Alexandre 1er.

Entre-temps, courant août, les relations avec la Prusse, assez médiocres, se tendent brusquement. Cette dernière, réalisant qu'une paix avec la russie et l'Angleterre, la laisserait isolée en face de Napoléon, s'imagine que ce dernier favorisera la restitution du Hanovre à l'Angleterre, sans lui consentir aucune compensation et qu'il mettra même obstacle à la création d'une confédération de l'Allemagne du Nord, sous la présidence de la Prusse.

Encouragé par l'Angleterre et intéressé à l'évolution de la Prusse, le Czar n'a évidemment aucun intérêt à la conclusion de la paix. Il répond donc qu'il s'en remet à l'Angleterre pour ratifier celle-ci, la Sicile demeurant aux Bourbon, avec promesse d'une indemnisation en Dalmatie pour le royaume de Naples et les Baléares pour compenser la perte du Piémont accusée par le roi de Sardaigne !

Pour ne rien arranger, Fox très malade est sur le point de mourir; Lord Yarmouth, fatigué par les négociations et sans-doute une certaine mauvaise foi de son cabinet, se retire, laissant seul Lauderdale.

Ce dernier, libéré des instructions modérées de Fox, s'accroche imperturbablement à la lettre de ses instructions. De son côté, l'Empereur voyant une coalition près de renaître, n'entend pas s'incliner, car remettre les Baléares et la Dalmatie dans les mains de souverains inféodés à l'Angleterre, ce serait naturellement les remettre à l'Angleterre elle-même. Fox disparu, il lui semble que cette puissance pourrait joindre ses forces à la Prusse, sans qu'il puisse tirer avantage d'une paix décidément trop courte.

Tels sont les faits. Il convient alors d'examiner à leurs lumières, si véritablement Napoléon aurait manqué la paix pour en tirer meilleur parti au préalable.

C'est la thèse de Thiers, reprise par MM. Lentz et Waresquiel...

Résumons-la : dégoûté des affaires de l'Europe, le Czar aurait été disposé à signer la paix, à condition que soit garantie la Sardaigne à l'ex-roi de Piémont et la Sicile aux bourbon de Naples. Grâce à Fox, l'Angleterre était pareillement prête à offir la paix, pourvu que Malte et Le Cap lui soient reconnus et le Hanovre restitué, tout en faisant fond sur les demandes de la Russie concernant la Sardaigne et la Sicile.

Napoléon, en refusant une négociation collective et en imposant au contraire, des tractations séparées, aurait manqué une splendide occasion et ajouté des difficultés diplomatiques inextricables à l'aboutissement de la tentative de paix.

Mais, qui peut prétendre qu'en présence des Français, les négociateurs russes et anglais eurent été moins exigeants réunis qu'ils ne le furent séparés ?

Est-ce que l'Angleterre aurait vraiment consenti à lâcher la Sicile, se bornant à donner les Baléares et la Dalmatie aux Bourbon de Naples et dès-lors, à laisser seulement à l'ex-roi de Savoie la Sardaigne ? Est-ce que le Czar pouvait réellement renoncer à toute indemnité en faveur du roi réfugié en Sardaigne ?

Rien, dans les écrits de MM. Lentz et Waresquiel ne le laisse subodorer. D'ailleurs Thiers a singulièrement résumé les prétentions de la Russie et de l'Angleterre, comme si elles avaient pu se résoudre à étendre l'uti possidetis à la Sardaigne et à la Sicile...

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Message Publié : 18 Mars 2009 11:37 
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Il convient de s'arrêter à cette note de Lauderdale, remise le 7 août 1806. L'offre était-elle sincère ? Sur le fond, c'est possible : il faudrait y voir les dernières intentions de Fox.

Donc, l'uti possidetis et la remise de la Sicile à Joseph, moyennant une indemnité. Ces conditions étaient spendides pour la France, hormis la perte des colonies en possession de la Grande-Bretagne, en ce compris les colonies hollandaises comme Le Cap et Surinam.

La difficulté venait de la remise obligatoire du Hanovre à l'Angleterre. Or, le Hanovre n'était plus dans les mains françaises, mais dans celle de la Prusse. Et cette puissance était singulièrement devenue hostile. La paix avec l'Angleterre signifiait que la France offrirait des compensations à la Prusse, ce qui avait été déclaré par Talleyrand. C'était la principauté d'Anspach, le territoire de Clèves et autres cercles à récupérer sur le tout nouveau royaume de Westphalie. C'était aussi la principauté de Neufchâtel qui avait été remise nominalement à Berthier, ce qui compliquait évidemment les tractations.

Mais, si l'on peut admettre la sincérité de Fox, en était-il de même du reste du cabinet britannique, qui avait insisté auprès du Czar pour que le traité accepté par Oubril ne soit pas ratifié ? N'est-ce pas Yarmouth qui a fait connaître à la Prusse l'accord tacite entre la France et l'Angleterre au sujet de la restitution du Hanovre ? L'amabassadeur de Russie à Londres n'a-t-il pas été dûment tancé pour suggérer au Czar le refus du projet signé par Oubril ? Ce sont d'ailleurs ces circonstances qui font douter, au fond, de la sincérité de Fox.

En signant immédiatement sa paix avec l'Angleterre, Napoléon a estimé qu'il risquait de courroucer le Czar et que celui-ci pouvait refuser la ratification. En ce cas, il craignait de voir se concrétiser une coalition entre la Prusse et la Russie.

C'est cela qui a retenu l'Empereur d'accepter formellement les dernières propositions britanniques. Certes, une fois connu le refus du Czar, communiqué le 3 septembre, il pouvait encore signer sa paix avec l'Angleterre. Mais cela signifiait la guerre avec la Prusse et Napoléon ne s'y résignait pas encore...

De plus, il aurait fallu faire admettre à l'Espagne de céder les Baléares à Ferdinand IV, ce qui était ajouter une clause conditionnelle à la ratification définitive du traité.

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