L'Énigme des Invalides

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Parlant ainsi, le Grand Homme qui, après avoir manqué de me faire défaillir, venait de m'empourprer les joues, détourna enfin de ma personne ce regard d'une insoutenable intensité et d'une rare beauté ...

Attiré par un Officier qui se trouvait à quelques pas de moi, et dont l'uniforme éclatant s'harmonisait à la perfection avec l'élégante prestance de celui qui le portait, il s'exclama d'une voix forte que ponctuaient quelques pointes de ce séduisant accent italien :

-Ah ! Ti'Breton ! C'est bien là le nom qui vous est donné sur les bivouacs, n'est-ce pas ?
La fortune nous en veut bien aujourd'hui, mais j'ai confiance en vous, je connais votre courage et votre détermination ...
Vous avez, ici même, une carrière de fatigues et de dangers à courir : c'est dire que vous y trouverez, en même temps, une occasion nouvelle de gloire !
Et si, au milieu de tant de combats, chaque jour se trouve être marqué par la sentence d'innombrables ennemis, il faut que jamais vous ne vous dessaisissiez de cette bravoure qui vous caractérise ...
Alors, sans nul doute, de nouveaux braves tels que vous-même, se formeront autour de Brrrouuuno, et prendront rang à leur tour parmi ce petit nombre qui donne l'élan dans les dangers et maîtrise la victoire qui nous conduira à la Vérité !...

...Reprenant son chemin à travers le salon où chacun de ses pas, de ses souffles, était guetté, scruté, dans une atmosphère de crainte respectueuse où chaque assistant tremblait à priori de lui avoir déplu, il stoppa net sa marche et fixa devant lui une colonne souillée d'initiales... Au même titre que le soleil savait envelopper cette aura à nulle autre pareille, les plus sombres nuages pouvaient en un instant se rassembler dans l'expression du grand homme qui, alors, prenait sans avoir esquissé le moindre geste, une allure terrifiante, tel Zeus s'apprêtant à faire donner la foudre...
Le bras se dressa vers les lugubres inscriprions : la voix, sans s'élever plus que de raison, tonna dans la pièce devenue banquise : Ordonnance !!!!!!!!!
Le jeune officier s'approcha à grand pas : Sire ?
-Qu'est-ce ?
Le jeune hussard suivit tant le bras du Dieu que son regard vers les deux petites lettres gravées dans le bois... Il s'approcha puis, après un court instant d'observation, se retourna vers l'empereur qui n'avait pas bougé...
Deux initiales oubliées par mégarde de l'ancien régime votre majesté, "PB", quelque vilainie que le temps effacera au plus vite"
-Le temps ? dans l'instant faites disparaitre ces inscriptions qui flétrissent la mémoire de nos aigles jeune homme !"
Et l'empereur reprit sa marche...

...Il va de soi que toute ressemblance avec des personnages existants ou ayant existé serait fortuite ou involontaire...

Et l'empereur reprit sa marche... (Ti'Breton) ...

... Lorsque soudain, de la foule maintenant amassée dans ce grand salon, devenu impérial du fait de la présence de Celui qui captait toutes les attentions, se détachèrent deux Maréchaux qu'accompagnait le Duc de R...

Ce dernier prit la parole en premier, évoquant la défection de Marmont et les fâcheuses conséquences qui retentirent sur toutes les combinaisons diplomatiques, relatant comment peu à peu Fontainebleau cessa d'être une position militaire, et enfin, rappelant que ce n'était pas Napoléon seul qui se trouvait écarté de la scène politique, mais sa dynastie toute entière !

A ces mots, le Grand Homme se redressa fièrement, et fixa les trois hommes, de son regard fulgurant comme l'éclair et s'écria :

-" Ce fut aussi par trop d'humiliations ! Ils ont voulu me pousser à bout ! Hé bien donc ! Désormais, plus de lâches négociations, et que le Destin s'accomplisse !" ...

Les occupants du salon retenaient leur souffle, suspendus aux paroles de leur Empereur qui poursuivit :

-"Oui, nous continuerons à nous battre et oui nous triompherons encore !
Avec Brouuuno, Reischtadt, Ti'Breton, Fidel et tant d'autres qui ne sont pas là ce soir, mais sur qui je sais pouvoir compter, oui avec vous mes Braves, la Grande Armée est désormais reconstituée !

En prononçant ces derniers mots, il eût un geste sublime, en frappant la garde de son épée ...

De toutes parts, s'élevèrent des tonnerres d'applaudissements, pendant que les dames, plus réservées, se contentaient d'esquisser un pieux sourire, lorsque marchant de long en large, le Grand Homme parfois posait, sur certaines d'entre elles, ce regard d'aigle, insoutenable par sa profondeur et sa beauté sublime ...

Brutalement, il s'arrêta net au milieu de la pièce, interpellé par un roulement de tambours qu'accompagnait une musique si chère à son âme ! ....


http://www.youtube.com/watch?v=8seLEKOr8aM

... La musique cessa ...

L'Empereur qui s'était immobilisé pour mieux s'en imprégner, fit à nouveau quelques pas pour paraître au milieu du salon, et s'exprima en ces termes :

Merci mes braves, merci fidèles Soldats que vous êtes ! Restez en place maintenant, et que ceux qui se sont absentés pour surveiller les lieux reviennent vite prendre place ; c'est à vous tous que j'entends rendre à mon tour un grand hommage ! ...

Chacun comprit alors que le Grand Homme se préparait à passer la revue de ce petit Corps d'Armée reconstitué ...
Et, en attendant les absents, des tonnerres d'applaudissements qu'accompagnaient de tonitruants VIVE L'EMPEREUR ! s'élevèrent de toutes parts ....