Honnêtement, la lecture de ce sujet me laisse quelque peu perplexe, surtout à la lecture de certains commentaires... Qu'on accuse Villiers de traîtrise, de démagogie et d'opportunisme pour vouloir commémorer Austerlitz est complètement abusif.
Quant à la première accusation, et pour répondre à François - je le peux d'autant mieux que je suis vendéen - il ne faut pas oublier que Philippe de Villiers est candidat à l'élection pour la présidence de la République, et qu'il paraît difficile dans de telles conditions de ne s'adresser qu'en usant d'idées royalistes à la population française. A ce tarif-là, on ne se présente pas, tout simplement. Austerlitz, si on le considère en soi, est un moment de rayonnement pour la France, et même s'il a servi une mauvaise cause, c'est cette capacité de réaction qu'il faut actuellement encourager en France - d'où fêter Austerlitz plutôt que Trafalgar me paraît naturel, mais il faudrait très certainement y joindre d'autres célébrations. Encourager l'élan du peuple français par ce symbole ne me paraît pas incompatible avec la reconnaissance du génocide vendéen, car on ne peut pas faire autrement aujourd'hui que réconcilier la France avec elle-même. Je crois aussi pouvoir citer un extrait de Chateaubriand dont les sentiments ambigus près de Waterloo sont intéressants, et qui soulignent que le vrai drame de cette époque c'est la France décapitée (de son Roi), un corps sans tête.
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Le 18 juin 1815, vers midi, je sortis de Gand par la porte de Bruxelles ; j’allai seul achever ma promenade sur la grand route. J’avais emporté les Commentaires de César et je cheminais lentement, plongé dans ma lecture. J’étais déjà à plus d’une lieue de la ville, lorsque je crus ouïr un roulement sourd : je m’arrêtai, regardai le ciel assez chargé de nuées, délibérant en moi-même si je continuerais d’aller en avant, ou si je me rapprocherais de Gand dans la crainte d’un orage. Je prêtai l’oreille ; je n’entendis plus que le cri d’une poule d’eau dans les joncs et le son d’une horloge de village. Je poursuivis ma route : je n’avais pas fait trente pas que le roulement recommença, tantôt bref, tantôt long, et à intervalles inégaux ; quelquefois il n’était sensible que par une trépidation de l’air, laquelle se communiquait à la terre sur ces plaines immenses, tant il était éloigné. Ces détonations moins vastes, moins onduleuses, moins liées ensemble que celles de la foudre, firent naître dans mon esprit l’idée d’un combat. Je me trouvais devant un peuplier planté à l’angle d’un champ de houblon. Je traversai le chemin et je m’appuyai debout contre le tronc de l’arbre, le visage tourné du côté de Bruxelles. Un vent du sud s’étant levé m’apporta plus distinctement le bruit de l’artillerie. Cette grande bataille, encore sans nom, dont j’écoutais les échos au pied d’un peuplier, et dont une horloge de village venait de sonner les funérailles inconnues, était la bataille de Waterloo !
Auditeur silencieux et solitaire du formidable arrêt des destinées, j’aurais été moins ému si je m’étais trouvé dans la mêlée : le péril, le feu, la cohue de la mort ne m’eussent pas laissé le temps de méditer ; mais seul sous un arbre, dans la campagne de Gand, comme le berger des troupeaux qui paissaient autour de moi, le poids des réflexions m’accablait : Quel était ce combat ? Était-il définitif ? Napoléon était-il là en personne ? Le monde, comme la robe du Christ, était-il jeté au sort ? Succès ou revers de l’une ou l’autre armée, quelle serait la conséquence de l’événement pour les peuples, liberté ou esclavage ? Mais quel sang coulait ? chaque bruit parvenu à mon oreille n’était-il pas le dernier soupir d’un Français ? Était-ce un nouveau Crécy, un nouveau Poitiers, un nouvel Azincourt, dont allaient jouir les plus implacables ennemis de la France ? S’ils triomphaient, notre gloire n’était-elle pas perdue ? Si Napoléon l’emportait, que devenait notre liberté ? Bien qu’un succès de Napoléon m’ouvrît un exil éternel, la patrie l’emportait dans ce moment dans mon coeur ; mes voeux étaient pour l’oppresseur de la France, s’il devait, en sauvant notre honneur, nous arracher à la domination étrangère.
Wellington triomphait-il ? La légitimité rentrerait donc dans Paris derrière ces uniformes rouges qui venaient de reteindre leur pourpre au sang des Français! La royauté aurait donc pour carrosses de son sacre les chariots d’ambulance remplis de nos grenadiers mutilés ! Que sera-ce qu’une restauration accomplie sous de tels auspices ?... Ce n’est là qu’une bien petite partie des idées qui me tourmentaient. Chaque coup de canon me donnait une secousse et doublait le battement de mon coeur. A quelques lieues d’une catastrophe immense, je ne la voyais pas ; je ne pouvais toucher le vaste monument funèbre croissant de minute en minute à Waterloo, comme du rivage de Boulaq, au bord du Nil, j’étendais vainement mes mains vers les Pyramides.
Ensuite, je vois mal ce qui justifie les accusations de démagogie et d'opportunisme. On ne va quand même pas croire que Villiers compte s'approprier le vote bonapartiste en promouvant Austerlitz, ce qui correspond à une fraction négligeable de la population. Les opérations marketing, vous devriez les chercher à gauche, à l'UMP. Car cela fait des mois que Villiers dénonce cette France qui se décourage, se meurtrit, se culpabilise, se repent, se vautre par terre, se roule dans la boue. Alors quoi Austerlitz ? Oui, et puis, n'oubliez pas, Villiers a encore parlé de commémorer le 30 mai 1968, alors que des Français ont enfin réagi à la chienlit soixante-huitarde. Il a encore parlé des résistants et de leur courage face à une occupation allemande inhumaine - on parle malhonnêtement, ci-dessus, de procès pour Villiers, mais c'est bien Le Pen qui sera jugé en juin. La politique est aussi faite de symboles, et nous voulons une France qui se redresse, qui cesse de courber l'échine.
Et qu'on ne vienne pas me parler de Ségolène Royal, qui n'a rien de la France ancienne. C'est une femme sans idées, incapable de débattre et dont la seule arme est médiatique.