L'Énigme des Invalides

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Napoléon intouchable aux Invalides
Le ministère de la Défense refuse l'analyse ADN du corps.

Libération, 16/08/2002


LECADRE Renaud

Le ministère de la Défense vient de trancher. Il n'y aura pas d'analyse ADN de Napoléon, dont le corps est conservé au musée de l'Armée. La polémique est ancienne : le cadavre des Invalides est-il bien celui de l'empereur ? N'y aurait-il pas eu substitution, afin d'éviter qu'une autopsie ne révèle son empoisonnement à Sainte-Hélène ? L'ADN aurait pu clore le débat. Dans un courrier du 26 juillet, le ministère justifie pourtant son refus au motif que «les théories qui remettent en question l'identité du corps inhumé dans le porphyre des Invalides ne revêtent pas, pour l'instant, un caractère suffisant». Pour l'instant.

Idolâtrie. La thèse a longtemps été portée par des historiens amateurs, comme souvent en la matière. Principalement Georges Rétif de la Bretonnerie, en 1969. Ce photographe avait bien travaillé son affaire, mais son style lyrique empreint d'idolâtrie n'a guère contribué à le crédibiliser. Son livre est intitulé Anglais, rendez-nous Napoléon ! (éd. Jérôme Martineau). Il commence par ces mots : «Messieurs, l'Empereur !» L'an dernier, un autre historien non académique, Bruno Roy-Henri, juriste, a repris et complété la thèse dans L'énigme de l'exhumé de 1840 (l'Archipel), avec un style plus conforme à la tradition universitaire. Au point d'interpeller des historiens institutionnels comme Jean Tulard (1) : «Il y a des faits troublants mais jamais une preuve formelle qui emporterait l'adhésion.» Dans le doute, lui-même en appelait à l'ADN : «Tout le reste est inutile.» Le refus du ministère vient-il du fait que la demande fut adressée par Bruno Roy-Henri ? Ce dernier, qui admet et revendique son «manque de visibilité», avait dû faire mention de son grade de capitaine de réserve pour obtenir qu'on réponde enfin à ses courriers.

Les «faits troublants» proviennent de la comparaison des procès-verbaux d'inhumation, en mai 1821, et d'exhumation, en octobre 1840, du corps de Napoléon. Après dix-neuf ans passés dans une tombe à Sainte-Hélène, il sera rapatrié en grande pompe à Paris. Les PV diffèrent sur plusieurs points : trois cercueils emboîtés lors de l'inhumation, quatre lors de l'exhumation ; grand cordon de la Légion d'honneur posé en extérieur dans un cas, placé sous l'habit dans l'autre ; les dents de l'exhumé sont «extrêmement blanches», alors que celles de Napoléon étaient réputées être «très vilaines» ; les deux vases contenant le coeur et l'estomac, censés avoir été déposés aux coins du cercueil, se retrouvent entre les jambes...

Les sceptiques considèrent que les faits consignés à l'époque n'ont pas la rigueur d'un PV tel qu'on le conçoit aujourd'hui, que des distorsions sont inévitables. Des fidèles de l'empereur ont pourtant participé aux deux opérations, pour confirmer l'authenticité du corps. La thèse de Rétif et de Roy-Henri est qu'ils sont complices, ou qu'on leur aurait donné l'ordre de se taire pour ne pas froisser la susceptibilité diplomatique du Royaume-Uni : les Anglais auraient pu être soupçonnés, au mieux d'avoir négligé leur prestigieux prisonnier, au pire d'avoir fait en sorte qu'il ne refasse pas le coup de l'île d'Elbe. Ben Weider, président de la Société napoléonienne internationale, croit détenir la preuve de son empoisonnement à l'arsenic grâce à l'analyse de cheveux de l'empereur. Mais il existe tellement de reliques capillaires (et pas toujours compatibles entre elles) qu'on pourrait reconstituer une perruque. Le vrai corps de Napoléon aurait été caché au sous-sol de l'abbaye de Westminster. Le cadavre de remplacement serait celui de Jean-Baptiste Cipriani, le maître d'hôtel de l'empereur. Corse comme lui, mais soupçonné d'être un agent du gouverneur britannique de Sainte-Hélène. Lui aussi serait mort à l'arsenic, mais par suicide lorsque son double jeu aurait été découvert... Peu de preuves de tout cela, si ce n'est que la question du cadavre se double d'une polémique sur le masque mortuaire, confectionné le lendemain du décès. Il en existe tellement de versions que les historiens hésitent à se prononcer. Un musée londonien possède un moule crédible : le visage est bouffi, Napoléon étant obèse à l'approche de la mort. Des proches de l'empereur ont fait circuler d'autres moules, plusieurs fois retravaillés, donnant une image plus digne de leur idole. L'un des bustes ainsi obtenus ressemble étrangement à... Cipriani. Bingo ! Pour les partisans de Rétif, la boucle est bouclée : il y a double substitution pour renforcer la crédibilité de la supercherie.

Appelés en renfort, les médecins légistes hésitent à trancher. Le cadavre exhumé en 1840 étant bien conservé, cela pourrait renforcer la thèse de la substitution. Mais ils évoquent le phénomène d'adipocire, fréquent chez les obèses : la graisse se mue en espèce de savon et freine la putréfaction. L'exhumé avait une légère barbe, alors que l'inhumé était fraîchement rasé ? La rétractation de la peau d'un cadavre peut entraîner l'exfoliation de la racine des poils.

Epiderme. Rouvrir le porphyre de Napoléon est une opération lourde. Mais on aurait pu se contenter du morceau d'épiderme facial prélevé par le médecin légiste de 1840, remis à Napoléon III, qui en fit don à son écuyer et dont les descendants l'ont remis en 1936 au musée de l'Armée. «L'autorisation des descendants» est obligatoire, rétorque le ministère. Avis au prince Charles Napoléon, actuel maire adjoint d'Ajaccio.

(1) Historia, février 2000.

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30/10/2002
Qui occupe le tombeau de Napoléon?
Le ministre de la Culture n'exclut pas d'expertiser la dépouille.

LECADRE Renaud

Napoléon est mort à Sainte-Hélène, Jean-Jacques Aillagon peut «lui crever le bidon» ­ pour les besoins d'une expertise génétique. Le ministre de la Culture examine avec bienveillance une demande formulée par Bruno Roy-Henry, auteur de Napoléon, l'énigme de l'exhumé de 1840 (l'Archipel), relayée par Maxime Bono, député-maire (PS) de La Rochelle : vérifier si le corps conservé aux Invalides est bien celui de l'ex-empereur, afin de clore une vieille controverse historique.

Tutelle. Dans un courrier du 17 septembre, Aillagon indique qu'il a confié à la directrice de l'architecture et du patrimoine le soin d'«étudier le dossier avec la plus grande attention». Cette ouverture fait suite à un refus du ministère de la Défense qui, le 26 juillet, soulignait que «les théories qui remettent en question l'identité du corps inhumé ne revêtent pas, pour l'instant, un caractère suffisant». La Défense est gestionnaire du musée des Armées, sis aux Invalides ; la Culture est responsable des bâtiments, au titre des monuments historiques. Entre contenant et contenu, qui, au sein du gouvernement, prendra la responsabilité d'ouvrir les entrailles de l'histoire ?

La thèse d'une substitution du cadavre de Napoléon a longtemps été portée par des historiens amateurs particulièrement obstinés : selon eux, il fallait supprimer la preuve matérielle que l'empereur aurait été empoisonné à l'arsenic durant son exil à Sainte-Hélène (lire ci-contre). Aujourd'hui, tout le monde s'en remet à la science pour en finir avec les interprétations contradictoires des procès-verbaux d'inhumation de l'empereur, en mai 1821 à Sainte-Hélène, et d'exhumation, en octobre 1840, quand l'Angleterre accepta de restituer son corps à la France (Libération du 16 août). Dans un cas, il est décrit comme ayant de «très vilaines dents» ; dans l'autre, elles seraient au contraire «très blanches».

Il y a aussi l'énigme des bottes trouées, le corps exhumé ayant les orteils «saillants». Trois explications sont possibles. 1) Les pompes impériales étaient de piètre qualité. «Curieuse pourriture, note Bruno Roy-Henry, qui s'attaque au fil de la couture du bout des bottes et laisse le reste de l'uniforme en bon état.» 2) Les ongles de l'empereur ont bigrement poussé dans le cercueil. Après tout, le colonel Morland, mort à Austerlitz, dont le corps fut conservé dans une barrique de rhum égarée pendant dix ans dans les sous-sols du Muséum d'histoire naturelle, avait in fine des moustaches lui chatouillant les orteils. 3) Un cadavre aux grands pieds aurait pris la place de Napoléon. D'où un débat d'experts sur la plus ou moins grande «rigidité cadavérique», permettant éventuellement de déchausser l'un et rechausser l'autre, quitte à découper l'extrémité des bottes pour faciliter l'opération.

Conservation. Les sceptiques soulignent que ces PV d'époque n'ont pas la rigueur d'une expertise médico-légale telle qu'on l'entend aujourd'hui, que l'exhumé ne fut examiné que quelques minutes, de peur d'accélérer sa putréfaction. Que les considérations désobligeantes sur la dentition initiale de l'empereur furent faites par des médecins britanniques. N'ont-ils pas également raconté qu'il était «aussi gras et rond qu'un cochon de la Chine» ? L'armée française a toujours soutenu que Napoléon n'était pas obèse, mais simplement enveloppé. Tout à sa réfutation de la thèse de la substitution, elle fut toutefois bien soulagée quand des médecins légistes ont indiqué qu'une épaisse couche graisseuse pourrait expliquer l'étonnant état de conservation du cadavre au bout de dix-neuf ans, grâce au phénomène d'adipocire : la graisse se transforme en espèce de savon et freine alors la putréfaction.

Si Georges Rétif de la Bretonne, le premier des substitutionnistes (il a publié en 1969 Anglais, rendez-nous Napoléon !), a su semer le doute sur l'identité du corps aux Invalides, il est moins convaincant sur la destinée du véritable Napoléon. A l'entendre, il reposerait à Londres au sous-sol de l'abbaye de Westminster, la substitution étant opérée en 1828, année où le général Wellington, vainqueur de la bataille de Waterloo, fut brièvement Premier ministre...

Secret. La veuve de Rétif raconte une anecdote qui en dit long. Terence Young, réalisateur des premiers James Bond, était venu lui raconter un souvenir d'enfance : sa grand-mère lui faisant visiter la crypte de Westminster, lui aurait assuré que Napoléon reposait sous leurs pieds. Et Terence serait l'arrière-petit-fils du sergent John Young, autrefois en charge du tombeau impérial de Sainte-Hélène....

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Message Publié : 12 Avr 2011 10:53 
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Société 18/08/2007 à 09h14
Napoléon : un masque agace le musée des Armées
Un moulage mortuaire britannique serait bel et bien celui de l'Empereur. L'exemplaire des Invalides représenterait le visage de son maître d'hôtel.

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LECADRE Renaud

C'est une petite cicatrice figurant sur la joue gauche. Celle de Napoléon en personne, donc bien plus qu'un simple accident de l'Histoire. Il est question de masques mortuaires de l'Empereur, aussi nombreux que les morceaux de la couronne d'épines du Christ, c'est dire. Celui exposé au musée des Armées des Invalides faisait figure de référence officielle : censé avoir été moulé sur son lit de mort, en mai 1821, il reproduit un visage au couteau, d'allure juvénile, plus proche du jeune général Bonaparte que du Napoléon I er quinquagénaire, obèse et en bout de course. Les Anglais, gardiens vigilants de son exil à Sainte-Hélène, avaient conservé une tout autre relique, tenue pour contemporaine de la première, au sein du Royal United Service Museum. Celle-ci présente le visage bouffi d'un homme vieillissant.

Embrouille. Bruno Roy-Henry, juriste de profession reconverti historien comme bon nombre de napoléoniens (après avoir publié l'Enigme de l'exhumé de Sainte-Hélène, aux éditions l'Archipel, il anime le site empereurperdu.com), pense avoir déniché la preuve ultime que le masque britannique est le bon. Un tableau, peint en 1815 par l'Anglais Charles Locke Eastlake, campe Napoléon, après la reddition de Waterloo et avant son exil à Sainte-Hélène, sur le navire britannique Bellerophon. Un effet zoom permet de repérer une inédite et facétieuse cicatrice, détail omis par les portraitistes officiels français. «Le peintre anglais n'était pas tenu d'embellir les traits de l'Empereur», note Bruno Roy-Henry. Bingo : le masque mortuaire britannique suggère également cette cicatrice.

Evidemment moins fétichistes que les Français vis-à-vis de Napoléon, les Anglais semblent n'avoir pas fait grand cas de leur propre relique. Oubliée des collections du Royal United Service Museum, elle a été mise en vente à New York en 2004, chez Christie's. Présenté comme l'un des possibles masques mortuaires de Napoléon, il a été adjugé 15 000 dollars (73 133 euros). Une misère, s'il s'agit de l'authentique relique.

Cette embrouille de masques et de cicatrice n'aurait que peu d'intérêt historique si elle ne permettait de relancer la polémique qui agite les cercles napoléoniens : a-t-il été empoisonné à Sainte-Hélène de peur qu'il ne refasse le coup de l'île d'Elbe ? Les complotistes tiennent pour acquis (à défaut d'être certain.) que le cadavre exhumé en octobre 1840, en vue d'être rapatrié triomphalement en France, n'est pas celui inhumé en mai 1821 à Sainte-Hélène. Un corps lui aurait été substitué afin de dissimuler le forfait des Anglais.

De fait, les PV d'inhumation et d'exhumation comportent de nombreuses différences : les dents «pourries» redeviennent «blanches» après dix-neuf ans passés sous terre ; la légion d'honneur est posée à l'extérieur dans un cas, sous le vêtement dans l'autre ; les bottes de l'exhumé sont trouées aux orteils - après changement du détenteur des pieds ou extension post-mortem des ongles ? Les partisans de l'empoisonnement se disent persuadés que le cadavre finalement exhumé est en fait celui de Cipriani Franceschi, maître d'hôtel de Napoléon, décédé trois ans plus tôt à Sainte-Hélène. Et à qui ressemble bigrement le masque conservé pieusement aux Invalides ? Rebingo : à Cipriani et son nez aquilin.

ADN. Même un historien officiel comme Jean Tulard, spécialiste de Napoléon, finit par s'en remettre à l'expertise ADN. Le ministère de la Défense, gardien du musée des Armées, a toujours refusé au motif que «les théories qui remettent en question l'identité du corps inhumé aux Invalides ne revêtent pas, pour l'instant, un caractère suffisant». A défaut, les chercheurs s'en remettent aux touffes de cheveux disséminées ici ou là.

Selon une étude pilotée en 2002 par Sciences & Vie, ils contiennent bien de l'arsenic, mais en quantité homogène et étalée dans le temps : Napoléon n'aurait donc pas été empoisonné mais exposé durablement à des relents d'arsenic contenu dans du charbon de bois ou du papier peint. Mais sont-ce bien les cheveux de Napoléon ? Le Pr Cassiman (qui avait procédé à l'analyse ADN du coeur de Louis XVII), n'a pas réussi à en extraire un segment suffisamment exploitable pour être comparé à sa descendance.

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Message Publié : 12 Avr 2011 11:16 
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Publié le 01/10/2000 | LaDepeche.fr
Est-ce bien Napoléon qui repose aux Invalides?
HISTOIRE
La polémique rebondit sous la plume d'un juriste. Les Anglais auraient berné la France en 1840, lorsqu'ils rendirent la dépouille de l'Empereur!

Et si la dépouille qui repose depuis 1840 aux Invalides n'était pas celle de Napoléon 1 er? Ce serait évidement l'une des plus grandes supercheries de l'Histoire. Un juriste spécialiste de l'époque napoléonienne, Bruno Roy-Henry, affirme dur comme fer que les Anglais ont substitué le corps de l'Empereur juste après son décès à Sainte- Hélène. Les Cendres rendues à la France 19 ans plus tard, celles qui défilèrent devant un million de Parisiens, celles furent déposées en grandes pompes sous le dôme de l'illustre chapelle Saint-Louis, seraient en réalité celles d'un valet! La polémique ne date pas d'hier. En 1969, déjà, l'écrivain-journaliste Georges Rétif de la Bretonne, aujourd'hui disparu, lançait une bombe trop vite désamorcée par le pouvoir et les historiens, selon Bruno Roy-Henry. Le Rochelais a revisité ce dossier qui agace tant les détracteurs de ce scénario. A l'issue d'une longue enquête, il expose ses certitudes dans un livre événement: « Napoléon, l'énigme de l'exhumé de 1840 » (1).

Pour cacher l'empoisonnement?
« Ce n'est pas l'Empereur qui se trouve aux Invalides, mais probablement son serviteur corse Cipriani, que l'on soupçonne d'avoir été l'espion des geôliers anglais. J'en suis intimement convaincu. Il faut ouvrir le cercueil pour en avoir le coeur net. Les historiens qui enquêtent sur la mort suspecte de Napoléon font la même requête. Les deux affaires sont d'ailleurs liées, à mon sens. Londres a probablement fait diversion sur l'assassinat de son pire ennemi. En ce qui me concerne, je vais d'ailleurs formuler une demande officielle auprès du président de la République. » Mais Bruno Roy-Henry est persuadé de s'attaquer à un « secret d'Etat ». Que « tout le monde est au courant de la supercherie en haut lieu, aussi bien à l'Elysée qu'à Matignon », mais que l'on « étouffe l'affaire. » En 1969, rappelle-t-il, lorsque Rétif de la Bretonne a « remué les pavés des Invalides » avec son article dans « Paris Match », le gouvernement a vite dressé les barbelés: « Pierre Messmer, alors ministre des Armées, a publié un démenti, pour des raisons diplomatiques. Il ne fallait surtout pas contrarier la Grande-Bretagne. A l'époque, le conservateur du musée des Invalides a démonté ses arguments, soutenu par les historiens officiels. Rétif n'a jamais pu s'expliquer à l'ORTF. Lors de mes investigations, j'ai constaté des contradictions flagrantes entre les propos du conservateur et les témoignages de ceux qui ont assisté à l'exhumation du corps, en 1840, à Sainte-Hélène, avant son transfert en France. »

Devant ses derniers compagnons
En avril 1840, le président du Conseil, Adolphe Thiers, persuade le roi Louis-Philippe de rapatrier les Cendres de Napoléon. La reine Victoria donne son accord. Une expédition embarque à bord de la « Belle Poule », commandée par le prince de Joinville. Un « conseil de salubrité » vérifiera l'identité du corps qui sera exhumé avant de l'embarquer. Il y a là quelques-uns des tout derniers compagnons du monarque en exil sur l'île-prison.

Mais les Anglais n'ont reçu aucune consigne pour ouvrir le cercueil. Joinville a des ordres pour agir avec doigté. Il marche sur une poudrière. La France vit désormais en paix, pas question d'entamer une nouvelle querelle avec Londres. Des doutes planent quant à l'identité de la dépouille. Quelques semaines avant de mourir, Napoléon s'inquiétait lui-même auprès de son entourage: « La seule chose à craindre est que les Anglais ne veuillent garder mon cadavre et le mettre à Westminster. » Le gouverneur anglais finit par accepter l'exhumation, mais refuse le concours des marins français. Tout dessin, tout cliché (l'expédition dispose de daguerréotypes qui resteront à bord) est interdit. Le tombeau est gardé jour et nuit. Le prince de Joinville s'interroge de plus en plus...

Des discordances flagrantes
Le 15 octobre, des visages en larmes assistent à l'ouverture de la bière. Le corps est presque intact. Mais malgré l'émotion, ceux qui ont assisté aux derniers instants de l'Empereur remarquent des détails troublants.

Bruno Roy-Henry a étudié tous les écrits des témoins. Il note des discordances à propos des décorations retrouvées sur le corps. Elles ne correspondent pas à celles qui furent placées sur l'uniforme du défunt avant son inhumation en 1821. Les bas de soie qu'il portait, les éperons ont disparu, les bottes déchirées, comme si on avait forcé pour les enfiler sur des pieds trop grands. Mystère, l'un des trois cercueils qui entouraient le corps n'est pas de la même matière.

« Mais le plus gros, commente le juriste, c'est lorsqu'on lit qu'il a fallu replier les jambes du mort pour le placer dans le cercueil, lors de l'exhumation. Or celui-ci mesure 1,78 m, 10 bons centimètres de plus que la taille de Napoléon. Même avec les talons de ses bottes, on comprend mal pourquoi la dépouille dépassait. » Il y a aussi ce masque mortuaire détruit trop rapidement, « parce qu'l s'agit d'un faux, les dimensions du visage ne correspondent pas », tranche Bruno Roy- Henry.

L'auteur de l'enquête estime que pour connaître la vérité, il suffirait de prendre les mensurations de la dépouille qui repose aux Invalides. « Inutile d'examiner l'ADN ou de sortir la grosse artillerie scientifique. Si l'homme mesure plus de 1,72 m, ce n'est pas Napoléon. Si son crâne est inférieur à 59, 65 cm, pas d'hésitation. L'Empereur était brachycéphale, il avait une tête plutôt grosse, aussi large que longue. » Bruno Roy-Henry assure qu'il ne « veut rien d'autre que restituer la vérité. » « Ce qui compte, c'est la vérité historique. Des chercheurs étrangers, dont l'Américain Ben Wilder, sont en train de démontrer que Napoléon fut empoisonné à l'arsenic. Ils ont lancé tout un courant, ce qui me donne l'espoir de démonter le trucage le mieux caché. Le peuple britannique n'est pas en cause. Le pouvoir ne peut plus invoquer la raison d'Etat. »
Alain BUISSON

______ (1) A lire: « Napoléon, l'énigme de l'exhumé de 1840 », éditions de l'Archipel, 282 pages, 120 F (18,40 euros).



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Le prince Charles Napoléon: « Rien de nouveau »
Le prince Charles Napoléon, descendant direct de Jérôme Bonaparte, ex-roi de Westphalie et frère cadet de l'Empereur, présidait jusqu'à une date récente la Société française d'histoire napoléonienne. Nous l'avons joint cette semaine à Ajaccio (1), après qu'il se soit entretenu brièvement avec Bruno Roy- Henry. Voici son commentaire. « En parcourant le livre de Bruno Roy-Henry je n'ai rien lu de nouveau de nature à ébranler les convictions. La polémique qu'il rallume, en citant ses sources avec honnêteté, repose sur un faisceau de présomptions sans réelle valeur historique. Il s'agit de commentaires sur des commentaires déjà publiés. Le seul fait établi qui n'a pas été élucidé concerne l'un des cercueils dans lesquels reposaient l'Empereur lors de l'exhumation en 1840. Là, il y a effectivement une énigme. Par contre, je n'ai entendu aucun historien spécialiste de l'épopée napoléonienne, Français ou étranger, soulever l'hypothèse selon laquelle le « vrai » Napoléon pourrait reposer à Londres. Mais je ne suis pas hostile à ce que l'on y regarde de plus près. Une enquête scientifique ne me semble pas nécessaire. Il y a déjà ces investigations menées par des laboratoires de police criminelle américain et britannique sur la cause du décès qui serait dû à un empoisonnement à l'arsenic. J'avoue que je suis assez partagé. D'un côté je n'y crois pas, de l'autre mon tempérament sceptique me porte à fermer la porte à toute éventualité. Je ne demande que des preuves solides. » A. B.

______ (1) Rappelons que Charles Napoléon était candidat à la mairie d'Ajaccio lors du premier tour.

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Message Publié : 13 Avr 2011 16:37 
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Je crois avoir déjà lu tout ça. Mais c'est bien, pour les visiteurs... :3:


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Message Publié : 14 Avr 2011 10:04 
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En effet, cher Mahler, de temps à autre, Bruno nous offre une petite revue de presse, et c'est ma foi bien agréable ! :4:



:salut:


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