L'Énigme des Invalides

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Message Publié : 06 Jan 2004 22:28 
Je lis actuellement "Sainte-Hélène, terre d'exil" un ouvrage de Paul Ganière que je me suis procuré dans une bouquinerie bruxelloise pour le modique prix de 6 euros. :2:
C'est de cet excellent livre que j'ai tiré le texte qui suit et qui, je l'espère, suscitera votre intérêt. :17:

Découverte au soir du 21 mai 1502 par les marins portugais de la flotte de Joao de Nova, l'île de Sainte-Hélène doit son nom à la mère de l'empereur Constantin le Grand, dont on célébrait justement la fête ce jour-là.
Ayant pris possession de sa découverte au nom du roi du Portugal, de Nova fit jurer à ses marins de ne rien révéler de celle-ci, se conformant ainsi aux termes d'une bulle du pape Alexandre VI en date du 3 janvier 1494, octroyant au roi du Portugal le droit de ne pas rendre publics les points d'ancrage dont il pouvait disposer sur la route des Indes.
Sachant néanmoins que ce secret ne serait pas éternellement respecté, le rusé Galicien fit état, dès son retour en Europe, non pas d'une, mais de deux îles auxquelles il avait donné le nom de Sainte-Hélène et, pour détourner de leurs objectifs d'éventuelles expéditions, il les situa délibérément sur la carte en des lieux imaginaires, fort éloignés l'un et l'autre de la réalité.
Grâce à ce stratagème, l'îlot demeura en dehors des vois maritimes habituelles de longues années durant.
Le hasard voulut que le premier habitant de Sainte-Hélène fût un prisonnier.
Il s'agissait d'une curieux personnage, du nom de Fernao Lopez qui, dans l'enclave portugaise de Goa et en l'absence du vice-roi Albuquerque, parti à la conquête de nouvelles provinces, avait abjuré la religion catholique et entraîné un certain nombre de ses compatriotes à se mettre au service d'un despote musulman, Hidalkhan.
A son retour, Albuquerque avait réussi, non sans mal, à mater la révolte et à rétablir la souveraineté du Portugal sur cette parcelle de territoire.
Le calme revenu, il s'était fermement résolu à châtier sévèrement les parjures afin d'éviter le retour d'incidents aussi regrettables.
Sa justice devait s'abattre sur les renégats d'une manière impitoyable.
Devant une foule hurlante, les coupables furent hissés sur une estrade, attachés à des poteaux, entièrement dépouillés de leurs vêtements et épilés sur tout le corps. Puis, on leur jeta de la boue de porcherie avant de les reconduire dans leurs cachots.
Le lendemain, on les ramena sur le lieu de leur supplice et on leur coupa les oreilles et le nez.
Le troisième jour, on leur trancha la main droite et le pouce de la main gauche. Alors seulement, Albuquerque permit de les panser et de les alimenter.
La plupart de ces malheureux périrent et les rares survivants furent remis en liberté avant de disparaître.
Un seul, Fernao Lopez, qui en raison de ses origines aristocratiques était l'objet de "soins particuliers", demeura à Goa.
Lorsque ses plaies furent cicatrisées, Albuquerque ordonna de le faire embarquer sur un navire en partance pour le Portugal afin que son aventure servît d'exemple à tous ceux qui pourraient être tentés de s'écarter du droit chemin.
A l'escale de Sainte-Hélène, toujours inhabitée, Fernao Lopez, redoutant de se retrouver bientôt au milieu de ses parents et amis dans l'état de déchéance où ses erreurs l'avaient plongé, supplia le commandant du bord de le descendre à terre et de l'y abandonner.
Celui-ci, qui éprouvait à son endroit de la compassion, accéda à son désir et fit plus encore en lui laissant quatre esclaves noirs, des outils, des provisions et de vieux habits.
Afin de ne pas encourir les reproches de ses supérieurs, il décida de raconter, à son retour à Lisbonne, que son prisonnier s'était échappé à la nage et qu'il lui avait été impossible de le retrouver.
Cet événement se passait au début de l'année 1513.
Les premiers colons de Sainte-Hélène prirent progressivement possession de leur domaine. Ils élevèrent quelques huttes de branchages, défrichèrent une parcelle de terrain. Une sorte de vie primitive s'instaura.
Lopez, intelligent et ingénieux, réussit à maintenir une certaine discipline et à coordonner les efforts.
Un an plus tard, un bâtiment portugais aborda l'île. Fernao Lopez se réfugia dans les montagnes, soucieux de rester éloigné du monde, mais les esclaves en profitèrent pour l'abandonner à son exil volontaire.
Tout autre que lui eût sans doute péri. Lopez surmonta les difficultés et les angoisses en tirant parti de ses pauvres doigts restants et de son moignon pour extraire de ce sol ingrat les éléments nécessaires à sa nourriture quotidienne.
Un jour pourtant, il s'enhardit à sortir de sa cachette, car il nourrissait en secret l'espoir de retourner en Europe afin d'y solliciter le pardon du pape et du roi.
Un capitaine de navire marchand l'accepta à son bord et quelques semaines plus tard, il débarquait à Lisbonne.
Il se rendit à plusieurs reprises au palais royal où le souverain et son épouse l'accueillirent avec la plus grande bienveillance.
Ayant apaisé sa conscience, il prit le bâton de pélerin et gagna Rome où le Saint-Père lui accorda une audience, lui donna l'absolution et lui offrit l'hospitalité dans un couvent.
Loez refusa, de même qu'il avait refusé l'invitation du roi à demeurer dans sa patrie. Il voulait retourner à Sainte-Hélène pour y finir ses jours dans la pénitence et la prière.
A cet effet, il reprit la mer et retrouva son ermitage où il rendit le dernier soupir en 1546, au terme de trente-quatre ans placés sous le signe d'une longue et douloureuse expiation.


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Message Publié : 14 Jan 2004 16:10 
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Inscription : 14 Déc 2002 16:30
Message(s) : 15636
Voilà en effet, un passage intéressant. Drôle de destin pour cette île de Sainte-Hélène...

Je pense que les autres passages du livre du Dr Ganière ne manqueront pas de retenir votre attention ! J'ai lu -il y a fort longtemps- ce travail en bibliothèque.

Et je n'ai sous la main que sa version condensée, parue chez perrin en 1964.


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