L'Énigme des Invalides

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 Sujet du message : Lentz, une fois de plus...
Message Publié : 05 Avr 2019 15:34 
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Une chronique de Thierry Lentz : une infox « historique », Napoléon n’est pas aux Invalides
Auteur(s) : LENTZ Thierry

Napoléon est mort à Sainte-Hélène le 5 mai 1821. Inhumées sur l’île quatre jours plus tard, ses Cendres y sont restées jusqu’en octobre 1840, époque à laquelle une mission française vint les chercher pour les ramener en France et les déposer aux Invalides. Voilà ce que savent tous les amateurs d’Histoire. Mais comme chacun le sait, certains prétendent que le corps de Napoléon a été « volé » et remplacé par celui d’un de ses domestiques… Il semble bien que l’approche du bicentenaire de la mort de l’Empereur redonne des ailes aux tenants de cette thèse absurde. Et puisqu’il faut hélas y revenir, rappelons ici quelques faits qui devraient suffire à ramener tout le monde à la raison.
Une chronique de Thierry Lentz : une infox « historique », Napoléon n’est pas aux Invalides
Thierry Lentz © Eric Frotier de Bagneux

En 1969, un journaliste se faisant appeler Georges Rétif de La Bretonne (son vrai nom était Rétif) publie un ouvrage intitulé : Anglais ! rendez-nous Napoléon ! Selon lui, entre 1821 et 1840, les Britanniques ont exhumé l’empereur et remplacé son corps par celui de son maître d’hôtel, Cipriani, lui-même mort à Sainte-Hélène en février 1818. Rétif affirme en outre que les restes de Napoléon ont été transférés… à l’abbaye de Westminster où ils se trouveraient encore, sous une dalle évidemment anonyme et non localisée.

Une des conséquences de la popularisation de cette thèse par les médias, souvent avides de sensationnel, est qu’il n’est pas rare d’entendre que, pour être certain de la présence de Napoléon aux Invalides, il faudrait ouvrir le tombeau du Dôme pour en identifier le locataire.

Les énigmes historiques donnent l’occasion de rappeler qu’il n’y a pas d’histoire, même la plus élémentaire et simplifiée, sans un minimum de recul et de méthode historique. La théorie de la substitution du corps de Napoléon en offre un exemple d’école : elle tient à un seul document et se dissout d’elle-même dès lors qu’on analyse ce document de façon critique. Et une fois que s’est dissipé le nuage de « mystère », les tenants de la thèse substitutionniste avancent leur « intime conviction », voire parfois l’intervention de quelques médiums qui leur ont permis de recueillir le témoignage de… Napoléon en personne !

On remarquera d’abord que la mort, l’autopsie, l’inhumation (1821) et l’exhumation (1840) de Napoléon sont des événements qui sont très « documentés » : procès-verbaux, lettres, mémoires des témoins et même croquis réalisés sur place. Aucun de ces documents ne laisse planer le moindre doute sur la présence de l’empereur aux Invalides.

Alors me direz-vous, de quoi se nourrit la thèse de la substitution ?

Episode 1. Autopsié le 6 mai, le corps de Napoléon fut déposé le 7 en fin d’après-midi dans un cercueil en fer blanc emboîté dans un cercueil de bois lui-même placé dans un cercueil de plomb. Un quatrième cercueil en bel acajou fut livré le 8 mai au soir. L’Empereur fut donc enterré dans quatre cercueils emboîtés, ce que confirment tous les mémoires des témoins. Dans ce concert de certitude, les partisans de la substitution ont cependant cru faire leur miel d’un point secondaire : le valet de chambre de l’empereur, Louis Marchand, dressa un procès-verbal le 7 mai au soir, dans lequel il ne mentionnait que trois cercueils.

Episode 2. Le 15 octobre 1840, lorsqu’on exhuma le corps de Napoléon pour le ramener en France, on procéda à l’ouverture des cercueils pour vérifier que la dépouille s’y trouvait bien. Tous les témoignages concordent : on dut alors ouvrir quatre cercueils.

Episode 3. Laissant de côté tous les témoignages et éléments d’archives qui attestent qu’il y avait bien quatre cercueils en 1821, Rétif et ses suiveurs se concentrèrent sur le procès-verbal du 7 mai pour affirmer qu’il n’y en avait que trois. Et s’il y en avait trois en 1821 et quatre en 1840, c’est qu’entre-temps, on avait ouvert la tombe de Napoléon pour voler son corps et le remplacer par celui de Cipriani. CQFD.

Il fallait une grande imagination pour fonder la thèse de la substitution sur le seul procès-verbal de Marchand qui, le 7 mai, avait bien vu trois cercueils et ignorait alors que le quatrième serait livré le lendemain. Le même Marchand parle bien d’ailleurs de quatre cercueils dans ses Mémoires postérieurs.

Mais les substitutionnistes ne manquent pas d’imagination : ils développent leur théorie en montant en épingle les moindres contradictions dans les témoignages, voyant des faits troublants là où tout pouvait s’expliquer aisément, réfutant les documents qui les contrarient et sur-interprètent ceux qui ont une petite chance de lui donner ce qu’on n’ose appeler de la crédibilité.

Quasiment muet sur le « pourquoi », ces auteurs sont en revanche prolixes sur le « comment », quitte à souvent se prendre les pieds dans le tapis. Ainsi, sachant que le gouverneur de Sainte-Hélène, le terrible Hudson Lowe, était revenu sur l’île en 1828, ils en concluent que c’est lui qui procéda à la substitution. Il exhuma Napoléon et Cipriani, habilla le second avec un uniforme de l’empereur (dix ans après la mort du domestique, cela ne dut pas être commode), plaça (mal) des décorations, un chapeau, des boîtes d’argent contenant le cœur et l’estomac, ré-inhuma Cipriani dans la tombe de Sainte-Hélène puis chargea les lourds cercueils du vainqueur d’Austerlitz sur un bateau, direction l’Angleterre et l’abbaye de Westminster. Le tout eut lieu, bien sûr, sans que personne ne s’en aperçoive et ne le note dans aucun document, alors même que pendant les trois jours et deux nuits qu’il passa sur l’île, Lowe fut sans cesse entouré et accompagné (une revue, deux dîners, des visites). De même, les archives anglaises ne gardent nul souvenir d’une inhumation à Westminster en 1828 ou 1829. À ces objections, les substitutionnistes répondent qu’il est normal qu’il n’y ait pas de document… puisque le dossier est secret !

Car selon eux, tout le monde était au courant de l’affaire dans les « milieux officiels ». Si, lors de l’exhumation de 1840, tous les témoins affirmèrent que c’est bien le corps de Napoléon (bien conservé) qu’ils virent lors de l’ouverture des cercueils, ils mentirent en réalité… pour éviter que la découverte de la substitution des corps ne provoque « la guerre » avec l’Angleterre. Depuis lors, une sorte de « conspiration du silence » veille. Le secret se passe de bouche à oreille et ceux qui le détiennent ne sont pas près de dire la vérité qu’il s’agisse du gouvernement britannique, de nos rois et présidents. Même Napoléon III était au courant, ce qui expliquerait qu’il ait revu à la baisse le budget du tombeau des Invalides. Toutes ces forces défendraient une « histoire officielle » sur fond de préservation de l’Entente Cordiale avec la perfide Albion.

Et pour couronner l’intrigue, il y a derrière ceci une sordide histoire de gros sous : si on finissait par reconnaître (car il ne s’agit plus de prouver) que Napoléon n’est pas aux Invalides, la fréquentation du lieu (un million de visiteurs par an) s’effondrerait aussitôt, plongeant le Musée de l’Armée dans une crise financière inextricable.

Lorsqu’on l’examine de près, en historien, documents à l’appui et sens critique en éveil, la thèse de la substitution ne repose que sur l’imagination débridée de ses créateurs. Elle doit être rejetée sans aucune hésitation. Dès lors, on ne peut que refuser l’idée tout aussi farfelue d’ouvrir le tombeau du Dôme : aucun élément sérieux ne justifie la profanation d’un des hauts-lieux de la mémoire nationale.

Thierry Lentz, historien et directeur de la Fondation Napoléon.


Une fois de plus, M. Lentz nous ressert ses sempiternelles divagations... Preuve que certains s'interrogent et le questionnent. Mais lui continue de penser qu'il suffit de divaguer ex-cathedra pour dissiper tous les doutes !

Revoir : viewtopic.php?f=13&t=4607

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"Tant que les Français constitueront une Nation, ils se souviendront de mon nom."

Napoléon.


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 Sujet du message : Re: Lentz, une fois de plus...
Message Publié : 06 Avr 2019 12:11 
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Inscription : 18 Août 2016 0:01
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L'argument avancé est : "il semble bien que l’approche du bicentenaire de la mort de l’Empereur redonne des ailes aux tenants de cette thèse absurde".... Mais il y a tout lieu de penser que des questions sont venues bruisser aux oreilles du Directeur de la Fondation, pour qu'il se croit cru obligé de se fendre de ce nouvel article (qui reprend parfois presque mot pour mot le précédent de 2009) :salut:


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 Sujet du message : Re: Lentz, une fois de plus...
Message Publié : 07 Avr 2019 9:50 
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Inscription : 14 Déc 2002 16:30
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Rappelons surtout que l'argument des cercueils n'a jamais été le principal mis en avant par Rétif (pas plus que nous d'ailleurs).

Le principal argument était et a toujours été que l'exhumé avait le même visage que celui révélé par le masque Antomarchi !

Or, Rétif affirmait que ce masque n'était pas celui de Napoléon. Et que, par conséquent, l'exhumé ne pouvait pas être l'Empereur !

Evidemment, il se contentait de produire le dessin de Rigo pour prouver ce qu'il avançait. Et donc, les témoignages indirects de Pons de Las-Cases et de l'abbé Coquereau.

Nous avons étayé cette démonstration par les témoignages de Gourgaud et de Saint-Denis (au passage, il convient d'en remercier MM. Jourquin et Macé). Silence de M. Lentz sur ce point. Comme sur tous les autres, hormis cette question des cercueils.

A chacun d'apprécier la méthode historique des uns et des autres...

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Napoléon.


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