Les relevés météo de Jacob Lambertz

À partir de son journal, une quinzaine d'historiens font revivre La Rochelle au XVIIIe siècle. Et relèvent des analogies météo troublantes.

 

Quelques auteurs de « Climat et révolutions ». Photo Pascal Couillaud

Pendant 18 ans, Jacob Lambertz a tenu son journal méticuleusement. Jacob Lambertz ? « Un nom qui veut dire quelque chose dans l'histoire de La Rochelle », selon François Julien Labruyère, éditeur de l'ouvrage « Climat et révolutions ».

Le journal intime de ce négociant rochelais d'origine allemande - mélange de relevés météorologiques et d'anecdotes personnelles - offre en effet une vision de son époque : la fin du XVIIIe siècle.

Ce livre, c'est l'histoire d'une passion. Celle de Frédéric Surville, médecin à La Rochelle et qui habite actuellement dans l'hôtel particulier de Jacob Lambertz. L'histoire d'un homme qui s'est plongé dans la vie d'un autre. En 2008, Frédéric Surville décide de passer le cap. Il réunit des climatologues et des historiens pour tenter de faire renaître la vie du négociant allemand, et de la mettre en perspective.

Très vite, le projet prend forme, tant les écrits de Jacob Lambertz sont utiles pour analyser la vie rochelaise. D'un point de vue sociologique d'abord. À travers son activité de négoce, Lambertz permet de comprendre le commerce au XVIIIe siècle et, en particulier, l'activité des villes de la Hanse.

Le 28 février 1788

Mais ce qui frappe surtout dans cet ouvrage, ce sont les séries de mesures météorologiques réalisées par le commerçant allemand. Chaque matin et chaque après-midi, pendant dix-huit ans, il relevait les températures dans la cour de son hôtel particulier. Des mesures très intéressantes pour Météo France, mais pas seulement. Le journal de Jacob Lambertz révèle des analogies troublantes entre le passé et l'avenir.

Entre un mois de février 1788 et un mois de février 2010, le 28, plus précisément. En 1788, à La Rochelle, l'eau pénètre dans les terres, submerge les caves et les maisons. En 2010, au tour de la tempête Xynthia de faire des ravages. Une similitude qui n'a pas échappé aux auteurs de l'ouvrage. François Julien Labruyère raconte : « Le matin, après la tempête, je reçois un coup de téléphone de Frédéric Surville. "Climat et révolutions" était presque terminé. Et il me dit qu'il faut rajouter des pages ! » Frédéric Surville acquiesce : « On ne pouvait pas mieux tomber vu l'actualité ! »

Trois mois de brouillard

Ironie du sort, dans son journal, Jacob Lambertz raconte aussi l'éruption d'un volcan en 1783. Pendant trois mois, un énorme brouillard s'abat alors sur La Rochelle et ses environs. De là à parvenir à des conclusions, il y a un pas que « Climat et révolutions » ne franchit pas. « L'ouvrage donne des éléments aux experts qui veulent travailler sur Xynthia, ou sur l'éruption du volcan islandais, explique Frédéric Surville. Mais nous n'avons pas la prétention d'apporter des réponses. »

Jacob Lambertz, un témoin de son époque, oui, mais un prophète, sûrement pas.

« Climat et révolutions, Autour du journal du négociant rochelais, Jacob Lambertz (1733-1813) », sous la direction d'Emmanuel Garnier et Frédéric Surville. 35 euros, édition Le Croît Vif.